Articles Commentaires

Cine Blog » Festivals » Festival de Brive, les petits plats dans les grands pour le moyenÂ…

Festival de Brive, les petits plats dans les grands pour le moyenÂ…

Festival du Cinéma de BriveJeudi

Comme souvent en Festival, une routine s’installe assez rapidement, routine faite de petits rituels et de rendez-vous récurrents. Mais c’est toujours une routine agréable et dans laquelle on se coule avec une facilité déconcertante et un plaisir non feint, d’autant plus sympathique à Brive que le Festival est particulièrement convivial, pour ne pas dire familial.

Jeudi, le ciel n’ayant toujours pas décidé de se dégager, la journée fut particulièrement studieuse avec pas moins de 4 séances au programme pour un total de 7 films. Le premier a été l’occasion pour moi de découvrir le travail de Peter Watkins, cinéaste anglais engagé au style très particulier, filmant des fictions souvent paranoïaques à la manière d’un reportage, avec une caméra très mobile et collant au plus près de ses personnages. The Trap, film inédit en France datant de 1975, est un angoissant huis-clos se déroulant le soir du Nouvel an de l’an 2000 dans l’appartement en sous-sol d’un ingénieur travaillant pour une usine de traitement des déchets nucléaires en Suède. Très pessimiste, ouvertement antimilitariste et assez visionnaire, The Trap est un choc visuel et psychologique qui interroge et trouble son spectateur-voyeur. Et encore j’allais découvrir deux jours plus tard un film encore plus dérangeant de Watkins, La Bombe (à lire dans le prochain billet…)

Place ensuite à 6 nouveaux films en compétition, dont certains, couplés à ceux du lendemain, pourraient tracer le fil d’une vie, d’une naissance au forceps jusqu’à la crise de la trentaine, l’heure des premiers bilans, en passant par l’adolescence, âge de tous les possibles et de douleurs intenses. Revue de détail.

Complet 6 pièces

Synopsis : Complet 6 pièces se passe à Paris autour de quelques ateliers de couture. C’est un film à sketchs où, par six fois, des situations de travail dérapent.

Le premier court qui compose ce patchwork est un vrai rĂ©gal : la rencontre entre une styliste enthousiaste et bavarde qui prĂ©sente le prototype dÂ’une robe au design improbable et un acheteur potentiel stressĂ© et pressĂ© est drĂ´le, rythmĂ©, enlevĂ©… HĂ©las, la suite nÂ’est pas du mĂŞme acabit avec des scĂ©nettes très courtes, Ă  peine esquissĂ©es et dĂ©jĂ  terminĂ©es. Dommage car le premier court est vraiment enthousiasmant. Ma note : 4/5 pour le premier segment, non notĂ© pour les suivants.

Alpi

Synopsis : « L’image des Alpes pour le public (urbain) est celle d’un monde pré-moderne, resté intact, replié sur lui-même, au rythme alangui, lié à des traditions et à un faisceau de pratiques ancestrales. De mon côté, je perçois cette région comme un laboratoire unique de modernité… »

Partant d’un postulat potentiellement intéressant – montrer une région, les Alpes en l’occurrence, dans toute sa diversité, loin de toute image de carte postale touristique -, ce documentaire ne parvient pas à traduire en images son idée initiale. Basée apparemment sur une étude scientifique, le film accumule pendant une heure des plans sans réels liens entre eux, sans voix off, sans explications, laissant le spectateur livré à lui-même face à l’ennui suscité par un projet aussi hermétique. Ma note : 1/5

The MedicThe Medic

Synopsis : Une nuit, Konstantin, étudiant en médecine, fait la rencontre d’une femme autodestructrice. Peut-être par hasard, peut-être parce que c’est la première fois qu’il ait jamais cherché à rencontrer quelqu’un. Konstantin tient à l’aider et il l’accompagne chez elle. Ils tentent de se rapprocher l’un de l’autre, c’est un échec. Pourtant, Konstantin va finir par trouver comment lui apporter son aide.

Est-ce en partie du Ă  un prĂ©nom pas facile Ă  porter que lÂ’helvĂ©tique Konstantin souffre dÂ’une timiditĂ© maladive auprès de la gent fĂ©minine? Probablement pas mais toujours est-il que ce sauveteur bĂ©nĂ©vole – il sauve des vies mais nÂ’est jamais, lui, dans la vie, troublant paradoxe – est parfaitement incapable de rentrer en contact avec une femme de façon naturelle. Et ce nÂ’est pas sa rencontre avec une jeune femme paumĂ©e qui va amĂ©liorer la situation. Entre tâtonnements et effleurements, ces deux ĂŞtres flottent dans une sociĂ©tĂ© qui semble aller trop vite, trop bruyamment pour eux. MĂŞme si le propos ne dĂ©borde pas dÂ’une folle originalitĂ©, le ton doux-amer de ce film permet de se laisser porter Ă  la rencontre de ces deux hĂ©ros perdus Ă  qui on a assez envie de prendre la main pour les guider vers lÂ’un vers lÂ’autre. Ma note : 2,5/5

Sur le départ

Synopsis : Mont-de-Marsan, petite ville des Landes. Un soir de juin, deux amis, Piano et Clarinette, se disent adieu. Clarinette part et Piano reste. Ils ont 18 ans. Pendant 12ans, ils se retrouvent à intervalles irréguliers à l’occasion des retours de Clarinette dans la ville.

Allergiques à Christophe Honoré, fuyez (surtout que les deux personnages principaux se mettent soudain à chanter des paroles tellement cul-cul que même Alex Beaupain n’aurait pu écrire) ! Insensibles aux exercices de psychanalyse sur grand écran, prenez la tangente ! Réfractaires à la direction d’acteurs théâtrale attentive à un phrasé très artificiel, passez votre chemin. Pour les autres, ce départ, cet arrachement même aux racines et qui n’est parfois qu’une excuse pour un retour aux sources, peut se vivre plus sereinement avec une très belle lettre finale assez émouvante qui donne son sens à un ensemble toutefois artificiel et maniéré. Ma note : 2/5

Midsummer NightMidsummer night

Synopsis : Sur une petite île de la Frise, au large des Pays-bas, un groupe d’amis très liés fête la « nuit du milieu de l’été », suivant une tradition suédoise. Pour la première fois, un « étranger » fait partie de ce petit exil festif. Comme dans toutes les amitiés, ces trentenaires partagent tous des secrets. Mais certains restent indicibles.

Entre Les petits mouchoirs (sans le pathos pénible) et Festen (en plus serein), ce film de trentenaires à l’heure des remises en question est une petite bulle d’évasion sans prétention qui donne une respiration agréable à cette compétition. Sur une île, endroit hors du monde où les légendes semblent pouvoir prendre vie le temps d’une nuit d’été, va se jouer une histoire éternelle d’amour, d’amitié et de (petite) trahison. Servi par des images léchées au cadre très joliment soigné, le film bénéficie aussi d’un casting particulièrement convaincant. Ce moyen-métrage a tellement tout d’un long que l’on aurait avec plaisir prolongé cette virée bucolique avec des personnages que l’on voudrait vraiment avoir comme amis. Ma note : 4/5

Et ils gravirent la montagne

Festival de briveSynopsis : Fanny et Simon, deux jeunes d’à peine 20 ans, fuient une zone industrielle et s’enfoncent dans la montagne. Ils se connaissent à peine. Un incident malheureux survenu sur leur lieu de travail les lie dans un destin commun. En chemin, ils se séduisent, apprennent à se connaitre. La découverte en pleine nature d’un téléphone portable qui semble les appeler va les entraine dans une étrange aventure…

Voilà un film français qui se paie le luxe de ressembler à un film hollywoodien et dans ses images et dans son récit (avec pour seul bémol, un jeu pas vraiment convaincant des deux jeunes acteurs). Commençant comme un drame français social a priori classique (deux jeunes noirs s’enfuient dans la montagne après un incident sur leur lieu de travail), le film va vite dériver vers un ailleurs plus étrange, plus intrigant et, disons-le, nettement plus intéressant. Western montagneux, conte fantastique à l’étrangeté lynchienne (ah cette voix caverneuse qui déclame tout au long du film ce mantra hypnotisant : « Once you left home, you never come back » sur une bande-son planante), l’aventure au tournant sensoriel délicieusement déstabilisant vaut largement le détour. Ma note : 4/5.

Toutes ces émotions cinématographiques ouvraient l’appétit et comme tous les soirs, la petite bande joyeuse refaisait le cinéma et le monde au restaurant avant de filer (je n’allais pas m’esquiver deux soirs de suite tout de même, j’ai une réputation à tenir) au bar Le Maryland, véritable QG des festivaliers à la déco des plus surannée mais à l’ambiance surchauffée, boire quelques bières ambrées et autres gin-tonic à des prix défiant toute concurrence (à tel point qu’en bon parisien, je pensais même à une erreur dans l’addition mais non !).

Vendredi

Point météo : il fait enfin beau à Brive, c’est important pour le moral des festivaliers ! L’occasion de profiter d’une agréable terrasse ensoleillée pour déjeuner et de privilégier (pour la seule et unique fois du Festival, c’est promis) un apéro en plein air en lieu et place d’une séance de la compétition – dont je n’aurais donc pas, aveu terrible, vu tous les films. Avec ma chance, Bagni 66 et/ou La maladie blanche se retrouvera au palmarès. En même temps, dans ce cas-là, pas besoin de culpabiliser puisque les films primés seront projetés à l’issue de la cérémonie de clôture. Me voilà rassuré et rasséréné pour parler des 4 films (tous en compétition) du jour dont un m’a fait forte impression, Boro in the box.

Boro in the BoxBoro in the box

Synopsis : De sa conception épique à sa mort cinématographique, le portrait fantasmé et fictif du cinéaste Walerian Borowczyk (dit Boro). Boro in the box découvre un monde cruel et obscène, traverse aventures sensitives et organiques, de la Pologne à Paris, au cœur d’un abécédaire fantasmagorique.

Quel film ! Inventif, culotté, original, ce Boro, signé Bertrand Mandico, frappe fort. Plongeant au cœur d’un univers onirique et glauque à la fois d’une grande cruauté et d’une poésie aérienne, dans un noir et blanc au grain marqué, Boro est un personnage hors-normes, un freak céleste, proche cousin polonais d’Elephant Man. Parfaitement maitrisé avec une grammaire très étudiée (et pour cause, le film est un … abécédaire !), l’âme de Boro flotte dans la salle encore longtemps après que les lumières se soient rallumées. Difficile d’en dire plus d’un film iconoclaste et inclassable mais totalement réussi. Ma note: 4,5/5.

Days of Grass

Synopsis : Ben mène une vie de solitude, avec sa mère, dans un grand manoir au fond des bois. Un jour, Ben se lie d’amitié avec le charismatique Tom. Ils vont alors vivre un été de musique, d’alcool et de drogue. L’influence de Tom sur Ben met en danger la relation de celui-ci avec sa mère, et la fin de l’été sera abrupte.

A moins de n’avoir jamais vu de film sur des adolescents tourmentés, difficile de se laisser surprendre par ce Days of Grass qui accumule les poncifs du genre avec notamment un non-twist éventé au bout de deux plans et lourdement révélé dans une fin qui ne sait plus comment conclure. C’est d’autant plus dommage que la réalisation est plutôt soignée et que l’acteur principal est tout à fait convaincant. Ma note : 2/5

Without SnowWithout snow

Synopsis : « Ce n’est pas ma faute, ce n’est pas ta faute, c’est la faute du paysage. » Linus, 16 ans, vient de tomber amoureux de la petite amie de son meilleur ami. Jamais il n’aurait pu s’imaginer que les conséquences en seraient aussi douloureuses…

Film certes officiellement polonais mais en réalité totalement suédois (réalisateur, acteurs, esthétique), Without Snow aborde encore une fois l’âge ingrat de l’adolescence, source inépuisable d’inspiration cinématographique. Le reproche pourrait être le même que pour Days of Grass : on a l’impression d’avoir souvent déjà vu ce film avec un ton scandinave très reconnaissable (une noirceur assez dépressive flotte sur tout le métrage). Pourtant là encore rien à redire sur la réalisation et le casting mais rien non plus de véritablement neuf sous le ciel gris et plombé des petits (l’amour toujours) et grands (xénophobie rampante, cruauté extrême des forts sur les faibles) malheurs d’une humanité pas franchement à son avantage. Ma note : 2/5

Gangster Project

Synopsis : Le Cap, Afrique du Sud. Dans cette société des plus violente et inégalitaire, un jeune blanc décide de tourner un film de gangster, avec de vrais gangsters. Mais auprès d’eux, la réalité le rattrape : leur vie, entre ennui et enfermement, est loin de correspondre à ses attentes.

Voilà un documentaire (ou est-ce une fiction ? Le doute est clairement semé avec un « Inspired by true events » en début de projection) déroutant : fumisterie ou réelle plongée au cœur des gangs sud-africains ? Il faut bien avouer que le rythme lénifiant – pour montrer l’ennui de ces vies que seul l’adrénaline du danger et de la violence semble faire émerger de la léthargie – créé par une succession de dialogues avec des bad boys entrecoupées de quelques virées en voiture et de rocambolesques mésaventures du réalisateur blanc m’a rapidement fait me désintéresser de ce documentaire tout en me rappelant le souvenir d’autres images, bien plus marquantes, celles du glaçant La vida loca d’une autre force ! Ma note : 1,5/5

Cette journĂ©e se poursuivait par un dĂ©licieux diner au restaurant Chez Francis avec une patronne adorable et bavarde qui nous a longuement et fièrement expliquĂ© lÂ’historique de toutes les signatures et dĂ©dicaces de cĂ©lĂ©britĂ©s ornant les murs (et mĂŞme le plafond) de son restaurant semblant ĂŞtre le passage incontournable des gourmands de passage Ă  Brive. Et pour finir de façon dĂ©finitivement festive ce vendredi, le groupe Phantome and the Ravendome (http://www.myspace.com/phantomandtheravendove), dĂ©jĂ  Ă  lÂ’Âśuvre lors du cinĂ©-concert, se dĂ©chainait sur la petite scène installĂ©e au fond du Maryland, bar que je connaissais Ă  bien connaitre (Ă  tel point que le patron me serrait la main en vieil habituĂ© de Â… deux jours !) pour un set endiablĂ© menĂ© dÂ’une voix et dÂ’une main de maitre par Romain, le très sympathique leader du groupe au look noir et blanc très Ă©tudiĂ© et burtonien Ă  souhait – jusque dans la mèche rebelle. Ragaillardi, je regagnais tardivement mon hĂ´tel pour reprendre quelques forces avant le sprint final du WE.

Emmanuel Pujol

avatar A propos de l'auteur : Emmanuel Pujol (218 Posts)

Fou de cinéma et fou tout court, Emmanuel écrit pour Fan-de-cinema.com, se fait filmer dans Après la Séance et mange, dort, vit cinéma 24 heures/24! De films en festivals, il ne rate rien de l'actu ciné pour vous faire partager ses coups de coeur et ses coups de gueule...


ClassĂ© dans : Festivals · Mots-ClĂ©s: ,

Contenus sponsorisés
loading...

Commentaires Clos.