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Festival de Brive, jour 1, si le ciel pleure, le moyen-métrage rit

 

Après 5 heures de train vite passés grâce à une compagnie joyeuse et débridée- ma voisine était réalisatrice, membre de la SRF, discussion intéressante ; l’attaché de presse rythmait les arrêts de l’Intercités avec des pauses-clopes express ; une lectrice assidue était bloqué sur son siège par un voisin endormi… -, me voilà arrivé à Brive. On récupère le traditionnel sac du festivalier (avec produits de beauté – mouais – et une bouteille d’un rose improbable d’un apéritif local framboise-griotte-cassis – pourquoi pas ?), on s’installe à l’hôtel Le Collonges et on file à la soirée d’ouverture de ces 9emes rencontres européennes du moyen-métrage.

Festival de BriveDans la salle comble (ça fait plaisir à voir d’ailleurs) du cinéma Rex qui accueille la manifestation, Sébastien Bailly, le délégué général du Festival, rend un bel hommage au limousin Claude Miller avant de passer la parole à Eric Guirado, réalisateur de Possessions et co-président de la SRF, dont la mèche rebelle est particulière mise en valeur par l’éclairage, les différents élus locaux avant de finir par le traditionnel remerciement (particulièrement long pour l’occasion) aux différents partenaires. Il est ensuite temps de présenter le Jury Jeunes composé de lycéens de la région (dont une ado particulièrement lookée) avant que la présidente du Jury pro, Joanna Preiss, ne déclare sobrement le Festival ouvert. Place ensuite au film d’ouverture, la première partie de la « Version interminable » (6 heures découpés en 6 épisodes qui vont rythmer le Festival) de Versailles-Chantiers de Bruno Podalydès. C’est drôle, absurde, charmant, merveilleusement écrit, Denis Podalydès est génial, vivement la suite après ce « Premier Tour » (l’essentiel de l’épisode se déroule dans un bureau de vote lors d’une élection municipale). La soirée se poursuivait, petits fours et champagne, par un sympathique cocktail où l’on pouvait notamment croiser Guillaume Brac, le lauréat de l’an dernier avec son Monde sans Femmes.

La nuit n’a pas chassé les nuages qui semblent vouloir s’installer sur la Corrèze. Et c’est sous un ciel de plomb que je me dirige vers le centre-ville pour une discussion entre le sus-nommé Brac et Joachim Lafosse, réalisateur belge de Nue Propriété et attendu cette année à Cannes avec Aimer à perdre la raison au sujet âpre (un quadruple infanticide) et au casting prometteur (Tahar Rahim, Niels Arestrup, Emilie Dequenne). Alors que le ciel se déversait sur le toit en verre de la médiathèque, les deux réalisateurs confiaient leur passion pour le cinéma (« Je fais un métier fantastique, le cinéma est un art tellement collectif » confiait Lafosse, « C’est le partage d’un désir » rebondissait Brac) et la vision de leur métier de réalisateurs. Pour Joachim Lafosse, il se rappelait qu’à ses débuts, dans ses courts-métrages, l’essentiel était de faire quelque chose de juste, de spontané, sans réelle préoccupation de l’argent (qu’il n’avait pas !) ou de la durée du film. Il rajoute aussi qu’il n’a pas forcément envie d’être dans le réalisme et qu’un acteur connu apporte justement une dimension supplémentaire, celle de la « fictialisation ». Un cast renommé permet de se détacher immédiatement de l’aspect documentaire qu’on peut avoir avec des acteurs moins connus. Joachim Lafosse confiait aussi qu’il ne fonctionnait qu’au doute qui lui permettait d’avancer, que les certitudes sur un tournage étaient dangereuses malgré le fait que montrer son doute pouvait inquiéter son équipe. Guillaume Brac, lui, a le besoin de s’entourer d’amis sur le plateau, d’avoir des alliés sur un tournage, à tel point que « sur un monde sans femmes, j’avais un pote à un poste sur deux ». Les réalisateurs se rejoignaient sur le fait qu’il était important d’écrire à deux et potentiellement avec quelqu’un de totalement investi, peu importe finalement son talent. Par contre, si Joachim Lafosse n’écrivait jamais en pensant à un acteur en particulier, Guillaume Brac avait besoin d’écrire en incarnant ses personnages en des acteurs déterminés. La conversation aurait sans doute pu se poursuivre encore longtemps mais après une petite séance de questions-réponses, il était l’heure de quitter ces deux réalisateurs à suivre de très près dans les années à venir…
Place ensuite au début de la compétition avec deux séances dans une plus petite salle que la veille avec un public qui répond décidément présent. 6 films donc dont voici les critiques :

La Greve Des VentresLa grève des ventres

Synopsis : Des femmes ont décidé d’exercer le pouvoir qu’elles ont entre les cuisses et menacent l’humanité d’extinction progressive. Lise et Clara, deux d’entre elles, amoureuses et rieuses, rencontrent le joli Alexandre.

La réalisatrice (et actrice principale) Lucie Borleteau a fait ce film en pleine grossesse. Ce qui peut expliquer ce questionnement par rapport à la maternité, à la place d’une femme et d’une mère dans la société actuelle à travers un film à la fois drôle, libre et militant. Mais si la première partie fonctionne bien avec ce collectif de femmes qui refusent de faire des bébés, la deuxième moitié (qui commence avec l’annonce de la grossesse d’une des deux amies) avec une voix-off envahissante et un retour à un film plus intimiste et centrée sur le trio amoureux semble complètement perdre le fil du discours féministe et politique. Comme si la jeune réalisatrice, elle-même décontenancé par sa nouvelle maternité, avait revu sa position en laissant le spectateur dubitatif quant au sens à donner à cette grève des ventres. Ma note : 2,5/5

Sweetness

Synopsis : Il s’agit d’un 50eme anniversaire, et pour Marion, c’est l’occasion de présenter son petit ami américain Paul à sa famille, qui vit à la campagne. Lors de ces festivités, cet homme cosmopolite devient malgré lui le révélateur des craintes et des désirs enfouis de toute une famille.

Voilà un film allemand à la fois sobre et énigmatique. Peu de clés nous sont données pour comprendre les relations entre les personnages, leur passé commun. Le spectateur ne peut que deviner les failles de chacun, supputer les zones obscures entourant ce couple et cette famille. Une ambiance étrangement malsaine règne, où la tension larvée est palpable, entrecoupée de quelques moments suspendus de grâce, de gestes à peine esquissées d’une complicité possible. Intrigant et assez anxiogène. Ma note : 3/5

Vilaine fille, mauvais garçon 

Synopsis : La nuit survoltée d’un jeune peintre fauché et d’une comédienne déjantée. Dans l’impossibilité de se retrouver seuls, Laetitia et Thomas traversent chaque situation entre drame et légèreté, jusqu’à ce qu’un évènement violent marque leur rencontre d’une étrange complicité.

Des jeunes qui dansent, saouls, dans un appartement. Une rencontre dans une cuisine bondĂ©e comme on en fait souvent dans les fĂŞtes improvisĂ©es. Mais la fille cache un secret : un frère handicapĂ© quÂ’il faut interner. Et le garçon galère, fauchĂ© comme les blĂ©s : il vit en colloc dans un appartement bordĂ©lique avec son père (tiens Serge Riaboukine !) et son grand-père. Il y a quelques fulgurances dans ce film mais pourquoi faire une image – probablement volontairement en plus – aussi moche ? Pourquoi ces scènes pĂ©nibles et finalement assez racoleuses avec le frère handicapĂ© ? Pourquoi ? Ma note : 1,5/5

Snow Canon

Synopsis : Alpes Françaises, février 2011, Vanina aime s’enduire de crème solaire devant la cheminée en pierre, Vanina aime la fourrure fauve de son lapin Souci, Vanina aime sentir le parfum cuir du canapé blanc, Vanina aime contempler la lueur charbonneuse des yeux des femmes voilées sur les cartes postales de sa collection, Vanina aime chatter avec Eloïse sur Internet. Mais par-dessus-tout, ce que Vanina aime, c’est sa baby-sitter américaine, Mary Jane…

« Vanina, ah ah, Vanina, ah ah ah ah ah» Non, Mati Diop n’a pas utilisé la fameuse chanson de Dave mais sa Vanina pourrait en être une version adolescente. Vanina s’ennuie à la montagne, sans ses parents mystérieusement absents. Mais heureusement, il y a MJ (et son poum poum short bleu fort seyant). Mais qui baby-sitte l’autre ? La femme-enfant ou l’ado qui se rêve femme ? Les rôles sont plus flous qu’il n’y parait, la relation évolue au gré des jeux et des aléas de la vie, le désir nait de la frustration, l’éveil amoureux de la curiosité et de la transgression innocente. Entre une plongée presque inquiétante dans une grotte et une scène onirique de déguisements des mille et une nuits, Vanina et MJ vivent à la montagne comme hors-du-monde, les seules communications avec le monde extérieur se font par portable (MJ) ou Internet (Vanina –langage SMS extrême avec sa copine Eloïse, elle-même au Mexique, autre destination-fantasme où le soleil remplace la neige. Pourquoi pas un autre film-miroir avec la copine ?) interposés. La montagne, des sensations pures. Ma note : 3,5/5

Glorious AccidentsGlorious Accidents

Synopsis : Neuf histoires autour de la mort et de la transportation. De l’homme qui subit une transplantation cardiaque et se réveille avec d’étranges pouvoirs artistiques, à la femme qui reçoit une dernière lettre de son mari, écrite juste avant qu’il ne gèle à mort dans l’une des plus dramatiques expéditions polaire de l’histoire.

OFNI absolu, Glorious Accidents est de ces expériences cinématographiques dont on sort aussi peu indemne que les victimes des accidents du film, neuf fragments de vies, neuf histoires uniques et ensorcelantes. Provoquant rejet total ou adhésion en bloc, voilà bien un objet marquant, une vraie proposition de cinéma, affirmée et totalement fascinante. Esthétiquement superbe (un noir et blanc d’une grande classe), rythmée par la voix rauque et envoutante d’une femme qui connait les secrets et les blessures de la vie, Glorious Accidents se ressentent plus qu’il ne se regarde et certainement plus qu’il ne se raconte. Ma note : 4,5/5

Pour finir, avec un repas pris en deux fois (le service n’était pas extrêmement rapide, c’est un euphémisme) qui m’a donc empêché d’aller faire mon « Don du sang » (le 2eme épisode de Versailles-Chantiers !), rien de mieux qu’un petit ciné-concert (pas en plein air évidemment vu le temps et relocalisé dans la salle Georges Brassens !) avec trois films (un Dreyer rythmé, pétaradant et dramatique, un Lynch alphabétique assez mineur et un De Palma bien barré et bourré de références) rythmés par la musique, tour à tour planante, inquiétante, musclée mais toujours parfaitement adapté du groupe Phantom and the Ravendove. La suite avec du Watkins, de la compétition, du rugby et d’autres surprises au prochain épisode

Emmanuel Pujol

avatar A propos de l'auteur : Emmanuel Pujol (218 Posts)

Fou de cinéma et fou tout court, Emmanuel écrit pour Fan-de-cinema.com, se fait filmer dans Après la Séance et mange, dort, vit cinéma 24 heures/24! De films en festivals, il ne rate rien de l'actu ciné pour vous faire partager ses coups de coeur et ses coups de gueule...


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