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64eme festival de Cannes, un vendredi studieux…
8h00, le réveil sonne, ma tête sonne, je suis un peu groggy mais je n’ai pas le temps de tergiverser ou de me plaindre, Habemus Papam, la fumée blanche s’est élevé au-dessus du Vatican!
Une compétition qui tient ses promesses…
Mais que raconte-t-il? A-t-il perdu la tête? Que nenni, j’ai juste rendez-vous avec sa Sainteté le Pape Michel Piccoli. Bon, OK, dis comme ça, je ne suis pas sur que ça fasse plus sensé mais rassurez vous, tout cela est parfaitement cohérent…
Je reprends le fil: une douche, pas de café, je cours, je vole, je sprinte du studio au Palais des Festivals et me voila à 8h29 pétantes devant le Théâtre Lumières pour la projection du film en compétition de Nanni Moretti, Habemus Papam. Sauf que le film démarrant à 8h30, plus personne ne rentre. Je sens la première loose de mon Festival – je me disais bien aussi que j’avais eu trop de bol la veille – quand les agents de sécurité signalent que le film sera aussi difusé à 9h dans la salle du Soixantième. Bonne surprise car le programme officiel ne mentionnait pas cette projection sans doute rajoutée à la dernière minute étant donnée le nombre non négligeable de journalistes étant restés en carafe devant les Marches. C’est donc dans une salle parsemée que je découvre le nouveau long du déjà palmé italien.
Habemus Papam est une réflexion sur le pouvoir et la solitude qu’il implique, sur le libre-arbitre et les choix décisifs qui jalonnent une vie. La scène d’ouverture est aussi savoureuse qu’hilarante: le réalisateur plonge le spectateur au coeur du concile ultra-secret décidant de l’élection du nouveau pape. Et de constater avec ironie que tous les prélats prient pour que la charge suprême ne leur tombe pas sur les épaules. Et la foule, immense, amassée sur la place Saint Pierre, attend fébrilement de découvrir l’identité du nouveau Pape. Mais alors que la fameuse fumée blanche s’est elevée dans le ciel de Rome, le Pape ne se présente pas, il a fui, il désire se donner un délai de réflexion avant d’accepter ce poste si particulier. Le clergé fort embarassé fait même mander un psy (Nanni Moretti himself qui se fait plaisir) auprès de l’élu – idée totalement iconoclaste, absurde (car la foi et la psychanalyse ne font pas bon ménage) et donc d’autant plus réjouissante. Très classique dans sa forme, proposant toutefois une intéressante réflexion sur le fond, le film est un poil bavard (on ne changera plus le Nanni) mais profondément intelligent porté par un Michel Piccoli parfait en pape vieillissant et torturé. Rien de révolutionnaire donc mais du travail bien fait…
A peine le temps de souffler que je file au bureau de presse demander une invitation pour Polisse prévu 30 minutes plus tard aux Lumières. « Quelqu’un vient de partir distribuer les dernières invitations à l’entrée du Palais ». Ah? Très bien! Je repique donc un sprint et j’arrache presque le dernier sésame pour le film de Maïwenn. Et là , LA claque, la première bombe du Festival – que la presse française encense tandis que la presse internationale est beaucoup beaucoup plus réservée, le film serait-il trop franco-français?. Polisse, kezako? C’est une plongée pendant plus de 2 heures qui passent comme dans un souffle dans le quotidien éprouvant de la BPM, la Brigade de Protection des Mineurs. Inspiré de faits réels, le film rappelle notamment le L.627 de Bertrand Tavernier. Porté par des acteurs tous impressionnants de justesse (Karine Viard, Marina Foïs, Joey Starr, Nicolas Duvauchelle,…), Polisse est une succession de saynettes reliées entre elles par la vie quotidienne et amoureuse des membres de la brigade. C’est dur, triste, drôle à la fois, ce n’est surtout jamais misérabiliste. Seul (vrai!) bémol: le personnage de la photographe jouée par Maïwenn qui ne sert à rien – elle joue évidemment le rôle de témoin extérieur mais sa caméra de réalisatrice se suffisait à elle-même en tant qu’oeil observateur – et qui agace plus qu’autre chose par son côté auto-fiction légèrement voyeuriste (elle met en scène ses propres parents et sa soeur lors d’un déjeuner où elle présente son amoureux dans le film, un flic de la BPM mais compagnon à la ville, Joey Starr). Mais faute avouée à moitée pardonnée, elle a reconnu elle-même en conférence de presse que cela avait été une erreur de jouer dans son film… Comme quoi!
… et des sections parallèles qui font le plein
Après donc deux bons films de la compétition, une pause McDo avec ce cher Mehdi des Cinévores s’imposait. Le temps d’échanger nos premières impressions sur le Festival, il était déjà temps pour moi de filer à la Semaine de la Critique découvrir le deuxième long-métrage de Valérie Donzelli, La guerre est déclarée. Et contrairement à l’an dernier où avec mon accréditation Festival, je devais faire la queue des heures pour espérer rentrer au Miramar, grâce à mon accréditation presse, je suis un vrai privilégié (et heureusement à la Semaine, ils ne font pas de distinction entre les 6 couleurs différentes de badge presse). Je mesure ma chance quand je rentre sans difficultés à la séance très prisée du Donzelli alors que des centaines de spectateurs auront fait la queue en vain. Premier constat? Il fait toujours aussi chaud au Miramar. Deuxième remarque? Valérie Donzelli est une réalisatrice très talentueuse même si son côté bobo-intello pourra en agacer plus d’un. D’autant plus qu’elle se paie avec son ex-compagnon Jérémie Elkaïm une psychothérapie sur grand écran. Car la guerre est déclarée raconte l’histoire d’un couple qui affronte le cancer de leur jeune fils, combat que la réalisatrice et l’acteur ont mené ensemble. A la fin du film, c’est même leur propre fils qui fait une apparition. Là encore, l’aspect auto-fiction est assez agaçant mais le film séduit en évitant notamment tout mésirabilisme et tout pathos pesant. C’est très maitrisé, souvent aérien, bien réalisé malgré quelques maladresses (une voix off descriptive qui ne sert à pas grand chose, une tendance à l’emphase notamment dans le choix des musiques,…). Un film ambitieux pour une réalisatrice qui change de style après un premier long léger et charmant, osé mais plutôt réussi.
Après quelques heures consacrées à bosser un peu sur mon billet de jeudi (il faut quand même non? Je suis là pour ça alors que j’aurais tendance à l’oublier), je retourne à Debussy pour Un certain Regard et la très courue Miss Bala (il faut dire que l’actrice est absolument ravissante dans une robe longue particulièrement seyante), une reine de beauté mexicaine qui se retrouve confrontée à de redoutables narco-traficants. Je ne sais pas si c’est mon état de fatigue avancé ou l’extrême lenteur de ce thriller d’auteur mais j’ai été très loin de partager l’enthousiasme du public qui a réservé une longue standing-ovation à l’équipe du film à l’issue de la projection. Alors, certes, il y a de très beaux plans, une mise en scène léchée pour une dénonciation de la corruption de la société mexicaine (au secours, les cartons explicatifs à la fin!) mais le personnage principal ne tient pas debout et met à mal l’ensemble d’un film bien trop long – la dernière demi-heure multiplie les rebondissements improbables avec une lenteur insupportable (c’est bien simple, chaque plan dure 5 secondes de trop…). Et que dire de l’affiche racoleuse au possible faite pour appater le chaland sur de fausses promesses.
La projection de minuit d’un film de sabre chinois, Wu Xia, me tentait pas mal mais je décidais d’être raisonnable et de me rentrer tranquillement pour passer une nuit un peu tranquille puisque samedi soir s’annoncait bien remplie en réjouissances…
Sur ce, bonne nuit et à très vite en direct de Cannes (pour vraiment être en direct de la Croisette, une solution très simple, le Twitter du site: @fandecine)
Et surtout, n’oubliez pas, vive le cinéma!
Emmanuel Pujol
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