Cine Blog » Festivals » 64eme Festival de Cannes, un tourbillon d’émotions
64eme Festival de Cannes, un tourbillon d’émotions
Vendredi 13 mai au soir, 19h30, 3eme jour de Festival, je trouve enfin deux minutes pour me poser et écrire le récit de près de 48h non-stop… Ou comment mon 2eme Festival de Cannes, le 1er en tant qu’accrédité presse, a démarré sur les chapeaux de roue !
Mercredi…
… ou le grand départ vers le Sud ! Après avoir acheté mon billet de train la veille à l’arrache sur Troc des Trains (ou pourquoi j’ai dû développer un art particulièrement aiguisé de la débrouille à cause de mon incapacité chronique à m’organiser), avoir jeté en vrac dans une valise chemises, t-shirts et sac de couchage (au cas où je finisse sur la plage, on ne sait jamais), direction Gare de Lyon pour un interminable voyage de plus de 5h en TGV – fait extraordinaire, je suis carrément arrivé en avance, sensation étrange !
M’étant finalement trouvé un plan logement de dernière minute, je décidais de passer ma première soirée cannoise à … Antibes chez une amie, une ancienne collègue bruxelloise (je me rends compte que rentrer plus dans les détails n’a aucun intérêt), histoire de m’acclimater doucement à la chaleur régionale. Pas de Woody Allen donc pour moi – je le rattraperais en salles à Paris – mais quelques bières en terrasse pour refaire le monde tranquillement. Il est déjà tard, au lit, demain, Cannes m’appelle !
Jeudi, c’est parti !
Objectif du jour ? Etre à 11h30 dans le Théâtre Lumière pour la projection de Sleeping Beauty, le premier film en compétition officielle. Défi supplémentaire ? Avoir pu poser mon encombrante valise (c’est bien simple, on dirait un sac de fille, je me fais peur des fois) quelque part en attendant de pouvoir m’affaler sur le canapé-lit que j’ai finalement réussi à trouver à l’arrache. Et incroyable mais vrai, j’ai relevé le défi haut la main. J’étais presque suspicieux pour ne pas dire inquiet devant une telle chance. Seul moment de stress quand j’appelle le service de presse du Festival pour leur demander s’il y a une consigne à bagages. Réponse ? « Ah, non, désolé, pas à notre connaissance ». Un petit tour sur le site officiel du Festival plus tard, je suis immédiatement soulagé : il y a bien un endroit pour déposer ses valises. Ouf ! Me voilà donc parti pour un court trajet en train entre Antibes et Cannes. Ensuite, dépôt de valise, retrait de mon accréditation presse (la jaune, la « moins » prestigieuse mais après tout, peu importe, l’important étant d’être là ), passage au bureau de presse pour retirer mes invitations pour le Théâtre Lumière : 15 minutes montre en main. Je suis donc finalement très large pour le Sleeping Beauty de l’australienne Julia Leigh. L’émotion n’est évidemment plus la même cette année au moment  de gravir les fameuses marches et de m’installer dans la grande salle, c’est plutôt de la joie de me retrouver à nouveau plongé au cœur de ce tourbillon permanent.
La Sleeping Beauty, c’est Abbie Cornish – vue récemment dans Sucker Punch -, jeune fille un peu paumée qui accepte contre rémunération intéressante de se faire endormir tout en ne sachant pas ce qui lui arrive pendant la nuit – seule certitude : son employeuse lui promet qu’elle ne se fera pas pénétrer. Ses clients ? De vieux pervers impuissants qui rêvent de chair fraiche ! Coitus tristum, le film, très désagréable, aux longs plans séquences, à l’esthétique très asiatique – le film s’inspire d’ailleurs librement d’une nouvelle japonaise – peine à séduire tant le spectateur a du mal à ressentir une quelconque empathie pour cette jeune paumée dont on ne comprendra jamais véritablement les intentions et les motivations – si ce n’est qu’elle est étudiante et qu’elle a tellement besoin d’argent qu’elle multiplie les petits boulots (tests médicaux, serveuse,…) jusqu’au plus extrême… Glaçant certes mais assez vain !
Le temps d’une pizza avec ma pote Agatha que j’avais déjà croisée l’an dernier, pour un premier débat ciné – elle a beaucoup aimé Sleeping Beauty contrairement à ses copines qui sont partis en cours de projo -, il était temps d’enchainer sur le deuxième film du jour de la compétition, We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay. Je ne ressors pas totalement convaincu de cette adaptation littéraire à la mise en scène très recherchée, presque contre-productive à force de maniérisme, aux jeux sur les couleurs et le son particulièrement soignée et construit sur une tripe temporalité. Le Kevin du titre est un adolescent profondément perturbé (Ezra Miller qui avait déjà un rôle assez similaire dans Afterschool) qui va détruire la vie de sa famille (Tilda Swinton livre une performance remarquable au côté d’un John C. Reilly plus discret mais d’une sobriété parfaite). Le Festival est encore long et j’ai des doutes que l’on retrouve ces deux films au Palmarès – sauf peut-être pour un prix d’interprétation féminine à Tilda Swinton.
A peine le temps de poser ma valise dans le studio – sur les hauteurs, à moins de 10 minutes du Palais, c’est pas possible d’être aussi veinard – que je file à la Malmaison squattée par La Quinzaine des Réalisateurs pour retirer mes invitations pour la soirée d’ouverture (non, je ne suis pas un privilégié, j’ai juste gagné un jeu sur Twitter où il fallait dire pourquoi on aimait la Quinzaine. Apparemment, mes pauvres rimes de slam ont plu, j’étais le premier surpris). Une douche plus tard, à peu près classe (jeans certes mais veste, chemise et même cravate, rien n’est trop beau à Cannes), je décide de me diriger plutôt vers le Palais Stéphanie et l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs plutôt que vers le Debussy et celle d’Un certain regard. A cause d’une vraie envie de légèreté, je zappe donc le Restless de Gus Van Sant pour découvrir une Fée belge d’un trio décapant, Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy. Au Havre, Dom est veilleur de nuit dans un hôtel. Un soir, une jeune femme pieds nus se présente à la réception en prétendant être une fée et propose à Dom d’exaucer trois de ses voeux. Délicieusement absurde, poétiquement décalé, souvent franchement hilarant, la Fée tient du miracle permanent, un petit bonbon acidulé que n’aurait probablement pas renié un certain Jacques Tati. Voilà mon premier vrai coup de coeur de la Quinzaine! A noter qu’avant la projection a eu lieu la cérémonie de remise du Carrosse d’Or remis à Jafar Panahi, le réalisateur iranien absent comme l’an dernier… Agnès Varda toujours aussi facétieuse avait emmené un pigeon voyageur (en plastique!) qu’elle a posé sur le Carrose d’Or afin que celui-ci puisse être emmené à tire d’aile jusqu’à Téhéran et remis ainsi à l’artiste opprimé. Frédéric Miterrand s’est lui senti obligé de lire un texte bien plus conventionnel, plus long et moins spontanée que l’intervention de la fantasque réalisatrice.
Après 3 films dans la première journée, il était temps de passer à la deuxième étape de cette journée: les fameuses soirées cannoises. Et pour une fois, contrairement à l’année dernière, j’ai (presque) eu l’embarras du choix: je commençais donc à la soirée Cannes Classics (merci Carlotta pour l’invitation) où je croisais la sympathique Camille de Cinémaniac et de non moins sémillants confères de Brazil autour d’une petit coupe. Je partais ensuite (juste avant l’arrivée de Faye Dunaway, je suis malin moi) à la Villa Schweppes où j’entrais au culot n’étant pas sur listing et où je me lancais dans un grand débat avec un attaché de presse. C’est aussi ça Cannes! L’heure tournait vite – presque autant que ma tête – et à 2h du matin, il était trop tard pour aller à la fête d’ouverture de la Quinzaine à la villa des Inrocks que j’espère donc découvrir un autre soir à l’occasion d’un des nmobreux concerts qui y sont donnés à la programmation des plus alléchantes. Il était surtout temps de rentrer au studio en faisant un petit détour par un kebab (so glamour ou comment revenir rapidement les pieds sur terre) car demain à 8h30 j’ai rendez vous avec le pape et Nanni Moretti et 4h de sommeil ne seront pas de trop pour que je sois à peu près présentable!
Rendez-vous samedi matin pour la suite de mes aventures sur la Croisette…
Emmanuel Pujol
Classé dans : Festivals · Mots-Clés: Cannes, en direct de
Comentaires récents