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64eme festival de Cannes, inflation et fellation

A la lecture du titre de mon billet de mercredi, vous vous dites – j’en suis sur- « ça y est, il a craqué »! Et bien, figurez-vous que pas du tout… Bien au contraire mĂŞme. Pourquoi cette assertion provocatrice alors? Pour deux raisons:

. Parce que l’affaire DSK est sur toutes les lèvres – façon de parler -, les tĂ©lĂ©s dans le Palais Ă©tant branchĂ©s soit sur la chaĂ®ne du Festival (car oui il y a une chaĂ®ne dĂ©diĂ©e au Festival de Cannes avec retransmission des confĂ©rences de presse, photo calls, avis de critiques, etc etc) soit sur I-TĂ©lĂ© pour suivre heure après heure, ad nauseum, les dĂ©veloppements du DSKgate. Et les commentaires fusent, entre thĂ©orie fumeuse du complot et dĂ©bats de comptoir. Finalement, mĂŞme dans une bulle aussi hermĂ©tique que celle qui enveloppe les Festivaliers, l’actualitĂ© chaude parvient parfois Ă  revenir au premier plan.

Lars Von Trier Fuck

Lars Von Trier

. Parce qu’un Festival de Cannes sans polĂ©miques n’est pas un vrai Festival de Cannes. Et c’est peu de dire que celle dĂ©clenchĂ©e par Lars Von Trier (LVT) a fait l’effet d’une petite bombe. Venu prĂ©senter en compĂ©tition officielle MĂ©lancholia (cf ci-dessous), le rĂ©alisateur danois a littĂ©ralement craquĂ© en confĂ©rence de presse. A une question bien innocente d’un journaliste l’interrogeant sur ses origines allemandes, LVT a rĂ©pondu qu’il avait de la sympathie pour Hitler (prĂ©cision importante, il a dit en anglais « sympathy » qui peut se traduire par « compassion » mais bon cela ne change pas grand-chose Ă  l’inanitĂ© et Ă  la gratuitĂ© du propos), qu’il le comprenait mĂŞme s’il a fait de « mauvaises choses » (c’est marrant comme euphĂ©misme, non?). Et de conclure avec aplomb: « Je suis avec les juifs bien sĂ»r, mais pas trop, parce qu’IsraĂ«l fait vraiment chier ». Fabuleux surtout quand, dans le parterre de journalistes dĂ»ment accrĂ©ditĂ©s, on entend fuser des rires. J’ose espĂ©rer qu’ils Ă©taient de gĂŞne. Kirsten Dunst, assise Ă  ses cĂ´tĂ©s et visiblement mal Ă  l’aise, souffle un « Oh my God ». Pour le coup, c’est elle qui a toute ma sympathie. Cette affaire va faire tellement de bruit que le lendemain (ben oui, j’anticipe comme je suis en retard!) Lars von Trier sera dĂ©clarĂ© persona non grata au Festival mĂŞme si son film reste en compĂ©tition – les organisateurs lui ont tout de mĂŞme prĂ©cisĂ© que s’il venait Ă  gagner un prix dimanche, il serait bien venu de faire profil bas et de ne pas venir le chercher. Ambiance, ambiance… Et le mystère s’Ă©paissit encore autour du bonhomme et de son goĂ»t pour la provoc gratuite quand j’apprends que sa femme (et donc ses enfants) sont juifs! IncomprĂ©hensible LVT…

Refermons la parenthèse fait-divers et revenons Ă  ce qui nous prĂ©occupe surtout ici: le cinĂ©ma… Trois films vus en ce mercredi: Melancholia donc, le très attendu La ConquĂŞte et un film sud-africain Ă  Un certain Regard, Skoonheid… C’est parti!

Melancholia Kirsten Dunst

 

Honneur au film en compĂ©tition que je ne dĂ©couvrais Ă©videmment pas Ă  la sĂ©ance de 8h30 – je crois que j’ai abandonnĂ© l’idĂ©e de me lever aussi tĂ´t mĂŞme si la suite du Festival allait me prouver le contraire (teasing complètement inintĂ©ressant, je l’avoue). MĂ©lancholia, c’est donc une fin du monde vue Ă  travers les yeux de deux soeurs, l’une dĂ©pressive qui attend la mort (Kirsten Dunst, neurasthĂ©nique), l’autre anxieuse mais qui refuse la fatalitĂ© (Charlotte Gainsbourg, lumineuse). TeintĂ© de romantisme allemand, baignĂ© par la musique – assez assourdissante – de Wagner, le film se dĂ©compose en deux long chapitres, l’un consacrĂ© au mariage de la plus jeune soeur qui se transforme en jeu de massacre Ă  la Festen, l’autre Ă  l’angoissante attente de l’impact entre la Terre et une Ă©trange planète mĂ©tĂ©orite qui fascine autant qu’elle terrifie, symbole de destruction mais aussi, presque, d’innocence et de puissance supĂ©rieure. Vous l’aurez compris, la pellicule baigne dans une ambiance mystique très ethĂ©rĂ©e. S’ouvrant sur des compositions ressemblant Ă  des tableaux expressionnistes grâce Ă  l’utilisation d’un ultra-ralenti, Melancholia m’a laissĂ© terriblement froid. Jamais je ne me suis senti en empathie avec ses personnages, jamais je n’ai Ă©tĂ© Ă©mu du destin de ces deux femmes. Ajoutez Ă  cela des dialogues pompeux, un rythme lancinant et vous obtenez un film qui risque de ravir la critique bobo parisienne mais Ă  cĂ´tĂ© duquel je suis complètement passĂ©, pas comme la planète MĂ©lancholia qui elle ne rate pas la Terre (ne vous inquiĂ©tez pas, je ne spoile rien du tout, tout suspense est Ă©cartĂ© dès le premier plan)

Et quid de la ConquĂŞte? Malheureusement, voilĂ  un film qui fait pschit, surtout comparĂ© Ă  deux autres grands vrais films politiques prĂ©sents Ă  Cannes, Pater et l’Exercice de l’Etat (vu depuis Ă  Un Certain Regard). Le vrai problème du film de Durringer, c’est qu’il prend la vie politique française par le petit bout de la lorgnette, son cĂ´tĂ© spectacle, people et petites phrases. Alors, c’est certes parfois très drĂ´les avec des remarques assassines mais le film ne nous apprend strictement rien, il est purement factuel et surtout terriblement anecdotique.

La ConquĂŞteC’est une comĂ©die filmĂ©e assez platement et interprĂ©tĂ©e par des acteurs qui ne jouent pas mais qui imitent. Ils ne sont pas dans la composition d’un personnage mais dans le mimĂ©tisme pur et dur. Alors, certes Denis Podalydès est plus vrai que nature en Nicolas Sarkozy mais on a l’impression de regarder un long sketch des Guignols de l’info tout en feuilletant d’anciens numĂ©ros (de 2002 Ă  2007 prĂ©cisĂ©ment) de Paris Match. Toutefois, malgrĂ© l’absence totale de la gauche et contrairement Ă  certains commentaires lus Ă  droite Ă  gauche, le film ne rend pas le prĂ©sident actuel plus sympathique, c’est un animal politique opportuniste et prĂŞt Ă  tout, comme les autres en somme, ni plus, ni moins. Par contre, ce qui est incontestable, c’est que Patrick Rotman fait passer CĂ©cilia pour une belle garce. Pour finir, une anecdote amusante: il est assez ironique de retrouver au gĂ©nĂ©rique du film Dominique Besnehard dans le rĂ´le d’un conseiller proche de Sarko, lui qui a Ă©tĂ© l’un des grands manitous en 2007 de la campagne de … SĂ©golène Royal avec qui il s’est brouillĂ© depuis!

Dernier film de la journĂ©e, Skoonheid qui dresse le portrait de François, beauf sud-africain, un cinquantenaire chef d’entreprise, macho et au racisme ordinaire qui cache en rĂ©alitĂ© un secret inavouable: il est aussi attirĂ© sexuellement par les hommes. Il va tomber amoureux du fils d’un ami Ă  lui, recroisĂ© par hasard Ă  un mariage. La camĂ©ra suit son protagoniste au plus près, dans un film mutique et troublant Ă  la mise en scène esthĂ©tiquement intĂ©ressante. Tombant malheureusement parfois dans le racoleur et le sordide gratuitement, donnant l’impression – surtout dans une scène – de vouloir choquer pour choquer, le film, difficilement « aimable », ne laisse en tout cas pas indiffĂ©rent.

Il Ă©tait temps ensuite de plonger Ă  nouveau dans les folles nuits cannoises, du concert d’Anna Calvi Ă  la villa des Inrocks Ă  la soirĂ©e Colombiana (un film du MarchĂ© avec ZoĂ© Saldana) en passant par la plage du ChĂ©ri-ChĂ©ri avec l’Ă©quipe du film roumain Loverboy. Le jour n’allait pas tarder Ă  se lever quand je rentrais au studio. Après quelques heures de sommeil que j’espĂ©rais rĂ©parateur, un long jeudi de cinĂ©ma m’attendait! Suite au prochain numĂ©ro…

Emmanuel Pujol

 

avatar A propos de l'auteur : Emmanuel Pujol (218 Posts)

Fou de cinéma et fou tout court, Emmanuel écrit pour Fan-de-cinema.com, se fait filmer dans Après la Séance et mange, dort, vit cinéma 24 heures/24! De films en festivals, il ne rate rien de l'actu ciné pour vous faire partager ses coups de coeur et ses coups de gueule...


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