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64eme festival de Cannes, Almodovar, insomnie et désir…

Et voilà, ça me guettait, elle m’a rattrapé, la fameuse routine du Festivalier, elle est là au 9eme jour de ce Cannes 2011. Elle n’est pas déplaisante mais on commence à faire les choses mécaniquement, on n’est même plus ravi, encore moins impressionné, de monter les 25 marches de rouge vêtues. Tout vous semble normal et logique, la bulle s’est refermée, on ne veut pas penser à dimanche, à l’heure du retour, à la nostalgie qui guette dangereusement en déambulant dans les travées du Marché du Film, dans un sous-sol du Palais déjà largement déserté. Heureusement, il reste des films à voir et des bons… En ce jeudi où le soleil inonde toujours et encore la Côte d’Azur, j’allais voir trois films bien différents après avoir commencé la journée par un immense coup de barre ou plutôt de bambou, c’est plus adapté à la situation…

Harakiri MikeHo, rien de grave, rassurez-vous mais comme mon état de fatigue m’interdit désormais de tenter les séances de 8h30 du matin auxquelles je m’endormirais impitoyablement (et l’ami Almodovar mérite mieux que cela de ma part!), je ne me dirigeais vers le centre névralgique des opérations – le Théâtre Lumière mais je suis sûr que vous l’aviez compris – qu’en fin de matinée pour le remake en 3D de Hara Kiri signé de l’iconoclaste et boulimique Takeshi Miike. Muni de mes horribles mais indispensables lunettes, je m’assois dans la salle et mon calvaire commence: un samouraï déshonoré souhaite apparemment se suicider mais avant cela se met à parler, parler, parler avec pour effet, merci la 3D, de me donner aussi bien mal au crâne que mal au coeur. Heureusement, je suis sauvé par un assoupissement bienvenu. Réveillé en sursaut, j’espère me retrouver en plein combat de sabres. Que nenni, deux ronins sagement assis l’un en face de l’autre palabrent, sérieux comme des papes. Le sommeil me reprend instantanément mais pour une courte durée, je regarde alors le plus discrètement possible l’heure sur mon portable: enfer et damnation, le film n’a commencé que depuis 45 minutes, il me reste encore 1h15 à supporter. Je lutte de toutes mes forces, je me retiens de me faire hara kiri et je finis par lâchement fuir après 1h de projection. Je suis venu, j’ai vu, j’ai été vaincu!

La Peil que HabitoHeureusement rien de tel pour l’autre film en compétition de la journée, La Piel Que Habito (traduisez La peau que j’habite) d’un habitué du Festival, l’ami Almodovar souvent reparti bredouille de Cannes. Porté par un Antonio Banderas assez méconnaissable en savant fou d’amour et de vengeance et par une Elena Anaya sensuelle en créature vénéneuse, cette série B réjouissante reprend certains thèmes de prédilection de Pedro (identité et trouble sexuels, jeu du travestissement,…) en les détournant subtilement pour les intégrer à un genre nouveau pour lui mais sans renier sa mise en scène pleine de couleur et de fureur. Savoureuse, cette fable dérangeante ne repartira sans doute pas avec la Palme d’Or (même si le Jury Jeune lui a décerné le Prix de  la Jeunesse) mais elle ne dépareille pas dans la carrière du réalisateur espagnol qui réussit son incursion dans le fantastique.

M’étant retrouvé devant une porte close pour cause de salle comble pour le roumain Loverboy (forcément, j’avais joué avec le feu m’étant présenté deux minutes avant le début de la séance) et en ayant profité pour travailler deux heures en salle de presse, je me dirigeais pour la première fois de la Quinzaine vers la moins connue des sélections parallèle du Festival, celle de l’ACID où l’on peut parfois trouver des petites perles. Et je n’allais pas être déçu de mon excursion au cinéma des Arcades où je découvrais un OFNI aussi invendable qu’inclassable, un documentaire suisse qui se rapprochait plus d’un concept d’art contemporain que d’un film. Good Night Nobody plonge dans les nuits de 4 insomniaques à qui la nuit appartient – d’Ukraine en Asie en passant par l’Afrique. L’un, mutique, costaud, conduit sa voiture sur des petites routes de campagnes perdues, l’autre multiplie les aphorismes métaphysiques et philosophiques à la fois profonds et drôles. Sans réelle trame narrative, laissant le spectateur face à lui-même – j’ai d’ailleurs succombé à l’appel de Morphée contrairement aux protagonistes du film qui ont  la chance (ou est-ce une malédiction?) de pouvoir vivre deux fois plus – et se laissant donc apprivoiser par bribes éparses, ce voyage jusqu’au bout de la nuit, aux confins du rêve et de la réalité, est une véritable expérience tant sensorielle que physique, une curiosité à réserver aux cinéphiles les plus curieux et les plus exigeants au coeur des ténèbres en compagnie de gens qui ne peuvent plus rêver que les yeux grands ouverts. Déconcertant!

The Day She ArrivesPour finir la journée, après un tel film, rien de mieux que de finir sur une note légère. C’est donc avec plaisir que je découvrais le nouvel opus du coréen Hong Sang-Soo, The Day He Arrives. Un an seulement après avoir gagné le Grand Prix à Un Certain Regard, il revient donc déjà, toujours dans la même sélection, avec un très court (1h20) film en noir et blanc qui brasse ses thèmes de prédilection, notamment les rapports hommes-femmes et l’insoutenable légèreté de l’homme face à son désir le tout sur un ton gentiment désabusé et doux-amer. Son héros est ici un ancien réalisateur de films, encore jeune, qui, devenu professeur en province, revient passer quelques jours à Séoul. On retrouve aussi dans cette déclinaison mineure mais divertissante de son petit précis Rohmer/Allen assaisonné à la sauce asiatique tous les tics de réalisation de Hong Sang-Soo: zoom sur les personnages, répétitions des situations, dialogues bavards autour de repas bien arrosés,… Idéal pour terminer un jeudi plutôt studieux qui se terminait, pour reprendre des forces avant la dernière ligne droite, par un diner tardif dans une pizzeria de la ville plutôt que par une nouvelle soirée festive et mondaine.

Avant de vous donner rendez-vous dimanche après-midi pour le dernier (déjà!) billet qui regroupera les journées de vendredi et samedi et de vous rappeler de ne pas oublier le Live Tweet en suivant @fandecine de la cérémonie de clôture le 22 mai à partir de 19h15, il faut signaler que le 2eme jeudi du Festival ouvre le bal des récompenses. C’est ainsi qu’avant de projeter son hilarant mais terriblement bobo (et donc potentiellement agaçant pour certains) film de clôture, Pourquoi tu pleures?, avec une Emmanuelle Devos déchainée, la Semaine de la Critique avait remis ses prix. Et c’est, sans véritable surprise, le thriller paranoïaque Take Shelter de Jeff Nichols qui triomphe en repartant avec le Grand Prix (décerné par un jury présidé par Lee Chang-Dong qui a aussi décerné une mention spéciale au pourtant passablement décevant Snowtown) et le prix SACD. Quant à l’argentin Las Acacias (que je n’ai pas vu), il remportait les deux autres Prix de la Semaine, à savoir celui du Soutien ACID/CCAS et celui de la (toute) jeune critique décernée par un panel de 24 lycéens français et allemands.

C’est tout… pour le moment!

Emmanuel Pujol

avatar A propos de l'auteur : Emmanuel Pujol (218 Posts)

Fou de cinéma et fou tout court, Emmanuel écrit pour Fan-de-cinema.com, se fait filmer dans Après la Séance et mange, dort, vit cinéma 24 heures/24! De films en festivals, il ne rate rien de l'actu ciné pour vous faire partager ses coups de coeur et ses coups de gueule...


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