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Le festival du cinĂ©ma espagnol part en balade triste avec la trompette d’Alex de la Iglesia
Jeudi fut une journĂ©e dĂ©diĂ©e presque exclusivement Ă la compĂ©tition officielle… Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, je me faisais une petite projection de rattrapage d’un film complètement sacrifiĂ© (2 ou 3 copies seulement) lors de sa sortie en salles en novembre dernier, Le pacte du mal malgrĂ© un Alejandro Amenabar Ă la production!
Et au-delĂ d’un titre particulièrement mal choisi (qui n’a vraiment pas grand rapport avec le film) et d’un final assez con-con sous forme de happy-end bien improbable, ce thriller fantastico-mĂ©dical se laisse gentiment regarder. Certes, ce n’est pas ce que l’Espagne a fait de mieux dans le genre mais tout de mĂŞme, certes on frissonne rarement mais ça n’est pas plus honteux que bien des grosses productions amĂ©ricaines et françaises qui pullulent sur les Ă©crans toutes les semaines. PortĂ© par un Eduardo Noriega grisonnant et concernĂ© (mĂŞme s’il en fait trop niveau expressions faciales), secondĂ© par celle qui est devenue l’Ă©gĂ©rie botoxĂ©e du cinĂ©ma de genre ibĂ©rique, Belen Rueda, Le pacte du mal est certes paresseux mais loin d’ĂŞtre honteux, surtout pour un premier film.
Les deux films suivants peuvent ĂŞtre considĂ©rĂ©s comme deux purs films de festival! Mais si le premier, La Moustiquaire, est aussi dĂ©concertant qu’intrigant, le second, La moitiĂ© d’Oscar, est juste imbitable dans la mauvais caricature du film d’auteur. Explications…
La Moustiquaire donc, rĂ©compensĂ© au Festival de Karlovy Vary et lors du Cinemed de Montpellier, raconte l’histoire d’une famille dysfonctionnelle sous la forme d’un conte Ă©trange Ă l’Ă©rotisme presque mortifère. L’ambiance autour de ce trio, le couple (la pulpeuse cougar Emma Suarez et le tĂ©nĂ©breux Eduard Fernandez qui succombe – et on le comprend – au charme et Ă l’innocence de Martina Garcia) et leur ado perturbĂ©, obsĂ©dĂ© par les animaux – surtout les chiens – n’est pas sans rappeler celle rĂ©gnant dans la famille du très troublant Canine. Et comme le film grec, cette moustiquaire espagnole ne se laisse pas facilement aimer, volontairement dĂ©stabilisant et dĂ©rangeant dans sa forme comme sur le fond. Le film d’Agusti Vila n’est probablement pas Ă mettre entre tous les yeux mais il a un aspect malsain et fascinant non nĂ©gligeable pour des cinĂ©philes curieux.
La moitiĂ© d’Oscar aussi aurait pu avoir le mĂŞme effet avec un sujet sensible et potentiellement polĂ©mique, les relations troubles pour ne pas dire incestueuses qu’entretiennent un frère et une sÂśur. Oui mais voila Manuel Martin Cuenca est un poseur esthĂ©tisant – et pas qu’un peu. Son film a tous les tics auteurisants possibles et imaginables. Alors, oui, certes, il y a de très beaux plans et une photographie soignĂ©e, oui, une scène nocturne dans un taxi est hilarante mais cela ne suffit pas Ă justifier ce long-mĂ©trage qui n’aurait du ĂŞtre qu’un court. Car les 90 minutes du film s’Ă©tirent sans fin Ă force de plans fixes rĂ©pĂ©tĂ©s Ă l’envie sur des paysages ou des personnages taiseux Ă l’extrĂŞme. Le propos Ă©tant en plus particulièrement mince, le film apparait d’autant plus prĂ©tentieux. Passons donc…
Le clou (ou plutĂ´t le clown!) de la journĂ©e Ă©tait la projection le soir en avant-première (sortie dans les salles françaises le 22 juin prochain!) du nouveau film d’Alex de la Iglesia, Balada Triste de Trompeta. Accueilli dans une salle comble par un public impatient ayant prĂ©parĂ© une jolie surprise au rĂ©alisateur – quand il est arrivĂ© sur scène avec un beau t-shirt Eraserhead, il s’est trouvĂ© bien surpris et hilare en constatant que tous les spectateurs s’Ă©taient affublĂ©s d’un nez rouge, il s’est d’ailleurs empressĂ© de prendre une photo de la salle et de la twitter en bon geek qu’il est -, Alex de la Iglesia a prĂ©sentĂ© son dernier film comme celui dont il Ă©tait le plus fier après une annĂ©e compliquĂ©e pour lui au niveau personnel (il a divorcĂ©) et professionnel (il a dĂ©missionnĂ© de son poste de prĂ©sident de l’AcadĂ©mie du cinĂ©ma espagnol pour protester contre la loi Sinde, Ă©quivalent de notre Hadopi). Et c’est peu de dire que son Balada Triste de Trompeta est une immense claque visuelle et scĂ©naristique. Gore, foutraque et ambitieux, d’une gĂ©nĂ©rositĂ© sans faille, le film brassant les genres (comĂ©die romantique, film historique, horreur,…) laisse KO, avec le sentiment d’avoir assistĂ© Ă un spectacle rare, jouissif et brutal. Inclassable et incontournable donc!
Pour ne rien gâcher, une rencontre avec Alex de la Iglesia Ă©tait organisĂ© après le film. On y a appris, en vrac, que son adaptation de la Marque Jaune Ă©tait au point mort, faute de financement (le budget n’est pourtant « que » de 37M€ mais pour une production espagnole, c’est Ă©norme et il n’a pour l’instant rĂ©uni que 2/3 de la somme), que s’il n’avait pas fait du cinĂ©ma, il aurait surement fini assassin, que le combat des clowns dans Balada… Ă©tait une mĂ©taphore de la Guerre d’Espagne, profonde cicatrice dans l’histoire du pays et qui n’a fait que des victimes et aucun vainqueur, que lorsque la très caliente Caroline Bang – qui joue l’acrobate – avait lors de la 10eme prise d’une scène difficile dĂ©clarĂ© avoir envie de vomir, le rĂ©alisateur lui avait rĂ©pondu qu’on n’avait pas le temps de la dĂ©tacher et qu’il fallait qu’elle ravale son vomi et qu’elle continue Ă jouer (ce qu’elle a fait, sympa!) et enfin, que non il n’avait pas l’intention de troquer son masque d’Auguste pour celui de clown triste, qu’il avait encore plein d’idĂ©es de comĂ©die mĂŞme si son prochain film, qu’il vient de terminer, est une tragĂ©die brutale qui finit très, très mal! Cela vous donne une idĂ©e du personnage, dĂ©finitivement aussi gĂ©nial que complètement barrĂ©…
Le Festival, c’est (dĂ©jĂ !) presque fini… Rendez-vous ce week-end pour un petit aperçu de nos favoris avant la cĂ©rĂ©monie du palmarès dimanche!
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