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Zoé Félix et Yann Gozlan, interview captivante…

C’est au siège de Bac Films, cachée au fond d’une cour dans le 11eme arrondissement de Paris, que m’attendent Yann Gozlan et Zoé Félix pour parler de Captifs, un film de genre français pour une fois réussi. Installé dans un bureau, avant que n’arrivent le réalisateur et son actrice, j’ai le sentiment étrange d’être plutôt là pour passer un entretien d’embauche (remarque, je ne serais pas contre – à bon entendeur!). Mais ils sont bien vite là et ils ont à cÅ“ur de défendre ce thriller angoissant sans perdre leur sens de l’humour et de l’auto-dérision.

Zoé Felix

Zoé Felix

Fan-de-cinema: Zoé, vous n’étiez pas une grand fan de film de genre. Qu’est ce qui vous a attiré dans ce projet?

Zoé Felix: C’est tout simple, c’est son réalisateur qui m’a plu. Il m’a complètement séduite. Béatrice Dalle, qui est une actrice que j’adore, disait qu’elle ne lisait jamais les scénarios mais que, ce qui l’intéressait, c’est de rencontrer le réalisateur et qu’il l’emmène dans son univers. Et c’est vrai qu’un comédien, une fois qu’il est engagé sur un film, il donne tout donc c’est important qu’un réalisateur fasse cette démarche-là, d’expliquer son projet. Et j’ai été convaincu quand Yann m’a dit qu’il voulait, certes, faire un film de genre mais avec une trame classique, des personnages relativement sobres, que ca allait être plus un thriller qu’un film d’horreur, que ca soit plus du domaine de l’angoisse et de l’enfermement psychologique qu’un film gore débordant d’hémoglobine. A priori, tous ces éléments m’ont rassuré parce que c’est vrai que je n’avais pas envie de faire un film sanglant (rires). Et, c’était aussi, il faut bien le reconnaître, l’occasion pour moi de montrer une autre facette de mon jeu d’actrice puisque jusqu’à maintenant j’ai surtout fait des comédies, qu’elles soient romantiques ou dramatiques.

Fan-de-cinema: Yann, vos deux courts métrages étaient déjà des films de genre. Pour votre premier long, vous poursuivez dans cette veine. Qu’est ce qui vous plait dans ce type de cinéma?

Yann Gozlan: En tant que spectateur, les premiers films qui m’ont marqué adolescent étaient des films d’angoisse, de suspense, genre qui me plait tout particulièrement, plus que le film d’horreur pur et dur. Après mes deux premiers courts, cela me semblait naturel de creuser le même sillon. Ça me permettait aussi d’avoir un cadre, ce qui me semblait intéressant et finalement rassurant pour un premier film.

Fan-de-cinema: Mais est ce que ce n’est pas un pari difficile que de commencer par un film de genre, cinéma qui semble ne pas trouver son public en France malgré de nombreuses tentatives depuis Haute Tension d’Aja?

ZF: S’ils ne trouvent pas leur public, c’est aussi parce qu’ils ne sont pas forcément bien distribués.

YG: J’ai envie de relativiser les choses aussi. Quelqu’un qui bosse, qui sort du boulot, je peux tout à fait comprendre qu’il n’a pas envie d’aller au cinéma pour voir des gens se faire torturer pendant 1h30. Même moi, personnellement, les films purement gore, ça ne m’intéresse pas. J’ai envie de prendre un minimum de plaisir dans un film. C’est ausssi pour ça que j’ai essayé d’axer Captifs sur l’angoisse plus que sur la torture.

Fan-de-cinema: Vous êtes plus Polanski que Roth en somme?

YG: Évidemment mais là vous citez un de mes maitres absolus. J’ai pas du tout la prétention de faire des clins d’oeil à Roman Polanski mais c’est un réalisateur que j’admire profondément. Ses films m’ont énormément marqué essentiellement pour leur atmosphère, j’ai pris de vrais claques quand j’ai vu Répulsion ou Le Locataire. J’ai le sentiment que ce sont des films qui ne vieilliront jamais. Je me sens viscéralement impliqué quand je vois ses films.

Fan-de-cinema: Mais comment vous expliquez que les films de genre français marchent mieux à l’étranger que dans leur propre pays?

YG: C’est vrai qu’ils s’exportent bien. C’est peut être une question de culture…

ZF: … ou d’endoctrinement, voire de conditionnement. J’ai l’impression qu’en France, on nivelle beaucoup par le bas en leur proposant des choses faciles. C’est certes le public qui choisit mais je pense pas non plus que le public soit complètement abruti, la preuve avec le beau contre-exemple du succès actuel des Hommes et des Dieux.

YG: Le film de genre est peut être aussi plus excluant, plus ciblé, moins grand public justement. (NDLR: petit aparté sur le marketing de Captifs que ni Zoé ni Yann ne trouvent particulièrement réussis. Je ne peux que leur donner raison tant l’affiche – qui ressemble à celle de Martyrs et Ils – que la tagline – plus qu’un clin d’oeil à la fameuse phrase d’Alien – me semblent très mal décrire la réalité de ce que Captifs a à offrir)

Fan-de-cinema: Zoé, vous l’avez dit, vous êtes plutôt une habituée des comédies où l’essentiel se joue sur les dialogues et leur timing. Là, c’est un rôle beaucoup plus physique où les émotions passent à travers le corps. Est ce que c’était un défi pour vous?

ZF: C’est vrai que j’appréhendais un peu. Heureusement, Yann m’a vite rassuré. J’ai compris que c’était quelqu’un qui était plutôt dans le moins que dans le trop. Et même si j’ai souvent tendance à sous-jouer, je trouve que c’est toujours plus facile d’en rajouter que d’en enlever. Là, je craignais justement d’en faire trop, de commencer à faire des grimaces. Je me moquais toujours de ces comédiennes qui faisaient des films de genre et qui respiraient bruyamment tout le long du film. Finalement, quand on se retrouve confrontés à ce genre de rôle, on se rend compte qu’on a pas beaucoup d’autres options que de jouer sur la respiration, le regard, le corps puisqu’on a pas véritablement de texte sur lequel s’appuyer. Et je trouvais ça intéressant d’engager mon corps d’une façon opposé à ce qu’on m’a proposé jusqu’à maintenant. Et sans dénigrer ce que j’ai fait avant, on m’a plutôt utilisé de façon sexy et comme faire-valoir féminin tandis que là j’ai la chance de porter le film. J’ai vraiment pris ce rôle comme un défi.

Fan-de-cinema: Comme il y a peu de dialogues dans le film, est ce qu’il y a eu beaucoup d’improvisation ou est ce que le film est très écrit?

YG: Les choses étaient assez précises en terme de mise en scènes parce qu’on avait pas beaucoup de jours de tournage. Donc il faut essayer de préparer le plus en amont pour pouvoir être réactif. Pour le reste, j’ai laissé de la liberté aux acteurs sur leur texte. Ce n’était effectivement pas le plus primordial.

Fan-de-cinema: J’ai noté deux points communs entre Echo, votre 2eme court métrage, et Captifs. Le premier est sans doute anecdotique, c’est le prénom de l’héroïne, Carole. Est ce qu’il y a une raison à ça? Est ce que parce qu’Echo a été récompensé en festivals et que vous avez gardé ce prénom comme porte-bonheur?

YG: En fait, c’est pour me donner un côté un peu auteur. Je me suis dit que tous mes personnages principaux féminins s’appelleraient Carole (rires)

ZF: Avoue, tu ne veux juste pas nous le dire en fait. Je lui ai déjà posé la question, je n’ai jamais eu de réponse. Carole Rivière (NDLR: soit le même nom que le personnage d’Echo) en plus, je m’appelle, ce n’est pas précisé dans le film sauf sur mon badge de médecin.

Fan-de-cinema: Le deuxième point commun, c’est un travail très particulier et précis sur le son

YG: Dans Captifs, ca permet de renforcer l’identification au personnage principal Et c’était mon ambition d’être vraiment axé sur le point de vue de l’héroïne, que le spectateur soit impliqué même physiquement dans son aventure. Et donc jouer sur le son, traduire son point de vue via le son, je trouvais que c’était quelque chose d’assez intéressant. Je suis sensible à cette dimension là d’un film et c’est plaisant de travailler cet aspect-là.

Fan-de-cinema: J’ai une vraie réserve concernant le film, c’est la première scène du film présentant le traumatisme d’enfance de Carole.

ZF: Ah, vous êtes le deuxième à nous le dire aujourd’hui!

YG: (très humble) Peut être que je me suis trompé là dessus mais j’avais le sentiment de donner plus d’épaisseur au personnage en terme de psychologie. Mais finalement, je me rends compte que ce n’est pas forcément perçu comme cela. Je pensais aussi que ce qu’elle allait vivre face à ses ravisseurs allait renvoyer à quelque chose de plus profond, d’enfoui en elle presque. Et puis il y avait aussi le fait qu’elle traverse le chenil. Certes, n’importe qui aurait sans doute peur face à ces molosses mais ils sont attachés et donc il fallait expliquer que Carole soit complètement tétanisée. Alors peut être qu’effectivement, cela alourdit le film plus que ça ne le sert…

ZF: Je ne pense pas que ça l’alourdisse non plus, Yann!

YG: J’aurais peut être du construire cet aspect du personnage d’une manière différente, c’est vrai…

Fan-de-cinema: Au début du film, il est précisé «Inspiré de faits réels ». C’est un article de presse qui vous a donné l’idée du film?

YG: Il y a deux choses. Tout d’abord, il y a cet enlèvement de médecins humanitaires qui renvoie à une certaine actualité. Ensuite, il y a ce qui tourne autour des motivations des ravisseurs (NDLR: Bravo Yann! Belle esquive de spoiler) et que j’ai notamment pu lire dans un livre de Carla Del Ponte qui est juriste au tribunal international de La Haye qui évoque ces pratiques dans des pays d’Europe de l’Est. Ceci étant dit, le film n’a aucune prétention ni aucune ambition de tenir un propos politique ou social, de dénoncer quoi que ce soit, je n’avais vraiment pas envie de ça. Mon ambition était finalement assez modeste: je voulais que la tension et l’angoisse soient palpables, je voulais maitriser ces éléments-là pour que le spectateur soit pris dans l’histoire. Je trouvais donc que c’était un cadre intéressant pour un film d’épouvante. Les méchants ne sont ni des mutants, ni des zombies, ni même des psychopathes. Ce sont certes des types menaçants, un peu dingues mais qui ont des motivations très concrètes et réalistes.

Fan-de-cinema: Pour être menaçant, ils le sont. Et face à eux, Zoé, vous avez un rôle très physique. Vous vous battez, vous courrez. Comment on se prépare à cela? Et comment on gère cette violence?

ZF: En fait, ce côté physique du rôle a été très libérateur, très jubilatoire. C’est vraiment défoulant de pouvoir courir, hurler, pleurer, d’être couverte de sang. Le maquillage est très important dans ce genre de film, ça permet de vraiment rentrer dans le personnage. Mais dans la préparation, on s’est plus concentrés sur l’aspect cérébral des personnages car, vous avez pu le constater, notre réalisateur est assez studieux (rires). Sinon, j’ai surtout répété avec des cascadeurs pour des détails techniques, quand on m’attrape par les cheveux par exemple. Toute façon, je ne vois pas d’autre solution que de littéralement se jeter dans l’action quand il faut jouer. Quand la caméra tourne, il faut y aller et on arrête de penser, c’est un vrai bonheur.

YG: En ce qui concerne les scènes de meurtre, en réalité, c’est très précis, très technique, il faut se concentrer sur le placement de la caméra, sur les gros plans

ZF: Ca peut se comparer aux scènes de baiser finalement. C’est jamais très sexy, il y a beaucoup de personnes qui vous regardent. Pour les scènes de meurtre, c’est un peu pareil, on ne pense pas vraiment à ce que l’on fait d’un point de vue psychologique mais à comment on doit le faire pour que ça soit crédible. L’intérêt, c’est justement de faire semblant et de jouer au sens premier du terme.

Fan-de-cinema: Le temps nous est compté. Dernière question donc, traditionnelle: quels sont vos projets?

ZF: Moi, j’attends qu’on voit cette nouvelle facette de mon jeu. J’aimerais bien que tout le monde le voit et que ça donne des idées à certaines personnes (rires) Non, sérieusement, je ne me plains pas parce que ça fait 12 ans que je suis dans le métier et que je tourne encore mais j’aimerais bien rencontrer plus de gens. Je trouve qu’on ne se rencontre plus assez dans ce métier à part en festivals bien sur.

YG: Je ne sais pas trop encore ce que je vais faire, moi. Peut être un thriller. Pour l’instant, j’avoue que porte encore ce premier film et qu’on verra ensuite.

Fan-de-cinema: Et vous êtes contents du résultat justement?

ZF: Oui. Moi, je suis très contente parce qu’en voyant le film, pour la première fois de ma carrière, j’ai réussi à me mettre vraiment dans la peau d’une spectatrice. Et je pense que c’est le signe que le film fonctionne. Je l’ai trouvé haletant, prenant. C’est un vrai bon thriller, français qui plus est… Donc bravo Yann!

YG: Moi, je suis vraiment content du jeu de Zoé puisque c’est elle qui porte le film (Là, Zoé rigole: « Qu’il est consensuel! ») Bon, c’est vrai que tout ça fait un peu cirage de pompe mais c’est la réalité, je suis content de ce qu’elle dégage dans le film et je la trouve belle (et là, grand moment de solitude, Zoé se tourne vers moi et me demande dans un grand éclat de rire: « Et vous, est-ce que vous me trouvez belle? C’est important, hein! » L’attachée de presse viendra interrompre là la conversation…)

Emmanuel Pujol

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Fou de cinéma et fou tout court, Emmanuel écrit pour Fan-de-cinema.com, se fait filmer dans Après la Séance et mange, dort, vit cinéma 24 heures/24! De films en festivals, il ne rate rien de l'actu ciné pour vous faire partager ses coups de coeur et ses coups de gueule...


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