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Les amours imaginaires: Interview de Mona Chokri et Niels Schneider

C’est sous un soleil radieux d’un été indien parisien que je me rends la semaine dernière au Germain, un des établissements les plus récents de la galaxie Costes. Non pas pour découvrir en sous-sol le Germain Paradisio, la salle de cinéma à la demande privée et ultra-sélect que vient d’y ouvrir discrètement MK2 mais au premier étage pour interviewer Mona Chokri et Niels Schneider, les deux acteurs principaux du 2eme film de Xavier Dolan, les amours imaginaires. Le petit prodige québécois est là lui aussi mais, rattrapé par la fatigue d’un décalage horaire transatlantique, il ne passera pas au grill de mes questions. Je tente donc d’en savoir plus sur le phénomène auprès de ses deux acteurs, souriants et apparemment ravis d’être là pour défendre ce film. Entretien exclusif d’un petit quart d’heure court mais dense, une rencontre pas imaginaire du tout…

Niels Schneider

Niels Schneider

Fan-de-cinema: Depuis Cannes, le film reçoit des critiques quasiment unanimes. Est ce que vous êtes content, voir surpris, de cet accueil?

Niels Schneider: Je ne suis pas « quasiment content », je suis totalement ravi!

Mona Chokri: En plus, on ne sait jamais pendant qu’on fait un film quelle sera la réaction des journalistes et du public. Par contre, quand j’ai vu ce qui se passait à Cannes, je me suis dit « OK, c’est bon, je crois qu’il y a des gens derrière nous »

NS: En fait, il y avait une énorme pression parce que les gens attendaient beaucoup de ce film après J’ai tué ma mère (NDLR: présenté à Cannes en 2009). Le moment le plus dur, c’était avant la projection à Cannes. Quand il y a eu l’ovation à la fin, on a pu souffler un peu.

MC: C’est le syndrome du 2eme album.

NS: Donc, oui, pour revenir à la question, c’est génial de faire une tournée mondiale de promotion pour ce film. Il y a des excellents films qui n’ont pas la chance de faire le tour des festivals de cinéma. C’est exceptionnel et en plus, pour la 2eme fois de suite (NDLR: Niels Schneider avait déjà tourné dans le premier film de Xavier Dolan qui avait aussi beaucoup tourné en festivals, une trentaine environ). On est définitivement quasiment contents (rires)

Fan-de-cinema: J’ai lu que Xavier Dolan avait écrit le scénario suite à un road trip que vous aviez fait tous les trois aux Etats-Unis. C’est une légende ou c’est vraiment aussi simple que cela?

MC: C’est vrai. On a fait ce voyage parce qu’on faisait des repérages pour le prochain film de Xavier (NDLR: Monia parle de Laurence Anyways). C’est là qu’on s’est dit tous les trois que ça serait bien de se retrouver ensemble sur un projet commun. Et comme le film a finalement été reporté et que Xavier avait quand même envie de tourner – Là Monia s’interrompt et interpelle Xavier Dolan: « Tu as vu là, c’est Jacques Audiard ». Petite private joke car l’homme qui vient d’arriver n’est pas le réalisateur d’un Prophète mais un journaliste à chapeau qui leur avait été présenté à Cannes comme étant…Jacques Audiard! – Il a décidé qu’on devait faire un film ensemble, il a écrit le scénario et trouvé le financement très rapidement. Deux semaines avant le début du tournage, on ne savait même pas si on allait pouvoir faire le film ou non.

NS: Il y a presque un an jour pour jour, Xavier est parti en train au Festival de Toronto. Il a écrit la moitié du scénario dans le train aller – on avait diné ensemble la veille et il nous a appelé pour nous dire « ca y est, j’ai écrit 19 pages » – et il l’a fini pendant le trajet retour. Moi, je suis revenu d’un Festival deux jours avant le tournage. Tout s’est un peu fait dans l’urgence.

Fan-de-cinema: Si vous êtes parti en road-trip ensemble, c’est que vous vous connaissiez avant. Comment êtes vous devenus amis, tous les trois?

NS: J’ai rencontré Xavier à l’avant-première d’un film dans lequel j’avais tourné. Ensuite, j’ai joué dans son premier film, J’ai tué ma mère. Et Monia, en fait, je l’ai rencontré chez Xavier!

MC: Ce qui s’est passé, c’est que Xavier m’a proposé de partir en road-trip avec lui parce qu’il n’a pas le permis de conduire. Il m’a dit « Viens je t’emmène mais tu conduis ». Je lui ai répondu: « Super mais j’ai pas forcément envie de conduire tout le trajet, ça serait bien qu’on ait une troisième personne avec nous ». Xavier était d’accord: « Allez, OK, on prend Niels avec nous ». Moi, je ne connaissais pas vraiment Niels, on a diné ensemble avant de partir…

NS: Moi, Xavier m’a plutôt dit « Allez, on prend Monia avec nous »

MC: C’est faux! J’étais déjà de l’aventure (rires).Une semaine après ce diner, en tout cas, on partait tous les trois. Donc Niels et moi, on a appris à se connaître pendant le voyage. Les voyages, ça rapproche, ça crée des amitiés dans l’adversité, surtout au milieu des rednecks américains. On a quand même fait 12.000 kms en 5 semaines.

Mona Chokri

Mona Chokri

Fan-de-cinema: Donc c’est bon, vous avez trouvé les lieux de tournage pour le prochain film de Xavier?

MC: Non, même pas, puisque finalement, il ne va pas le tourner aux Etats-Unis

Fan-de-cinema: Le film est une image des relations amoureuses à la fois générationnelle et intemporelle? Comment vous expliquez cette dualité et la maturité de Xavier qui arrive à prendre ce recul à seulement 21 ans?

NS: J’espère que le propos n’est pas générationnel même s’il y a quelque chose de très contemporain dans le portrait que l’on dresse des jeunes. Le but était que des jeunes de 20 ans ou des personnes de 60 puissent s’y reconnaître aussi. De toute façon, on tombe toujours amoureux d’une image quelque soit notre âge. Et Xavier a dit quelque chose de très vrai: « On fait des progrès dans le nucléaire, en sciences, en tout mais on n’en fait jamais en amour. On fait toujours les mêmes erreurs depuis la nuit des temps ».

Fan-de-cinema: A propos du fait justement de tomber amoureux d’une image, le personnage que vous jouez, Niels, est très difficile à appréhender, on ne connait rien de lui. Comment on joue un tel personnage qui n’a même pas de nom de famille (NDLR: il s’appelle Nicolas M.), qui est en quelque sorte un pur fantasme?

NS: Honnêtement, j’avoue qu’au début je me suis dit: « Ca va être compliqué ». C’est un personnage très volatile, il doit être à la fois 100% là quand il est là, il est très tactile, il s’impose, il donne énormément mais en réalité il ne se donne jamais complètement. Il est comme un très bon vendeur, c’est comme la carotte que l’on agite devant un âne. Il s’en va toujours au moment où on le désire, il ne prend pas position, il ne s’y risque jamais. Ce Nicolas, c’est un écran sur lequel on peut projeter ses désirs.

MC: Et donc comment on le joue? (NDLR: Merci Monia de recadrer la question!)

NS: Mais alors comment on joue ça? En plus, il n’y a pas beaucoup de dialogues, c’est plus une énergie, une présence tout en essayant de garder le plus de sobriété possible.

MC: L’inspiration des personnages du film que ce soit celui de Niels ou le mien vient de l’univers dans lequel on baigne, un univers intello-caustique-bobo très montréalais où l’on écoute de la musique indie et où l’on s’habille dans les friperies.

Fan-de-cinema: Dans la réalisation de Xavier, on sent aussi beaucoup d’inspiration disparate avec à la fois des références à la nouvelle vague et des clins d’oeils à des réalisateurs plus contemporains comme Araki (NDLR: une scène des Amours Imaginaires renvoie directement à Mysterious Skin). Mais cette cinéphilie n’est jamais vraiment mise en avant…

MC: Non, effectivement parce qu’il a envie que ses films soient vus avec le cÅ“ur, d’en ressentir les émotions instinctivement et non pas de le voir avec sa culture. Je comprends tout à fait que pour les journalistes, cela soit intéressant de faire des rapprochements mais pour les spectateurs, l’essentiel c’est de savoir immédiatement s’ils ont aimé ou pas le film sans l’intellectualiser.

NS: En réalité, ce sont des clins d’oeils, des emprunts de scènes, des images qui l’ont marqué. Après, si le seul effet que ça provoque, c’est « Ah oui, Xavier a vu tel ou tel film », ça n’aurait aucun intérêt.

MC: Pour en revenir aux références, c’est exactement ça, vous avez raison, c’est entre la nouvelle vague et le cinéma contemporain d’Araki à Gus Van Sant. On pourrait aussi citer Woody Allen ou les comédies musicales des années 50

Fan-de-cinema: A propos de musique, qui a choisi les différentes musiques de la BO?

MC: C’est Xavier qui a choisi, moi je n’ai fait que proposer – et notamment la version italienne chantée par Dalida de Bang Bang. Je suis DJ, un peu mélomane. J’ai aussi du lui suggérer France Gall. Je lui ai fait découvrir The Knife. Il y a des choses que je lui ai fait écouter qu’il n’a pas aimé aussi bien sur.

Fan-de-cinema: Vous avez tous les deux déclaré que c’était plutôt un avantage d’avoir un réalisateur qui est aussi un acteur. Pourquoi?

MC: Je ne sais pas si ça aide toujours mais dans le cas de Xavier, ça a été un vrai plus. C’est surtout que Xavier en tant que scénariste, il écrit des textes qui se disent facilement et cela vient de son expérience d’acteur. Et il écrit aussi des vrais personnages, complexes qu’un acteur a envie de jouer. Et comme réalisateur, il est très sensible au jeu et il met les acteurs en avant. Il prend beaucoup de temps pour la direction d’acteurs, c’est quelque chose qui est primordial dans son travail.

NS: Je reste encore convaincu que le cinéma, ça reste avant tout une caméra et des comédiens. Et Xavier est très conscient de cela, de l’importance des comédiens.

MC: Je crois que c’est souvent un mariage assez gagnant. Par exemple, Claude Lelouch qui a été acteur est un excellent directeur d’acteurs même si on peut ne pas aimer ses films. Trintignant disait que c’était même le meilleur qu’il ait jamais rencontré.

Fan-de-cinema: Et est-ce que Xavier laisse la place à l’improvisation?

MC: Pas vraiment pour ne pas dire pas du tout. C’est très écrit, très précis. On se permet parfois des ajouts minimes mais les scènes sont construites de A à Z.

NS: Il n’y aucune scène complètement improvisée. Et en plus il y a eu très peu de prises.

MC: Le tournage a été très court aussi. Et il faut être sur de ce que l’on fait lorsque l’on tourne parce que la pellicule coûte très, très chère. Mais c’est aussi la façon de travailler de Xavier avec une langue très particulière.

NS: Il a des dialogues tellement personnels que c’est difficile d’improviser dessus.

Fan-de-cinema: Dernière question, comment vous expliquez l’utilisation du pluriel dans le titre du film?

Long blanc avant que Niels ne se marre franchement en ajoutant « Tiens, je ny ai jamais pensé! »

MC: Le titre fait référence aux différents témoignages que l’on retrouve dans le film. Ce n’est pas une histoire, ce sont des histoires.

NS: C’est un portrait d’une génération à travers plusieurs histoires d’amour! L’histoire à trois entre Francis, Marie et Nicolas devient quasiment anecdotique, c’est une illustration de toutes les anecdotes dévoilées dans les témoignages et interviews.

Fan-de-cinema: Mais ce qui semble terrible, c’est que l’on se rend compte que l’amour est un cycle infernal et sans fin, non?

MC et NS (en cÅ“ur): On n’apprend pas de nos erreurs en amour. Jamais! En tout cas, certainement pas à 20 ans…

Emmanuel Pujol

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Fou de cinéma et fou tout court, Emmanuel écrit pour Fan-de-cinema.com, se fait filmer dans Après la Séance et mange, dort, vit cinéma 24 heures/24! De films en festivals, il ne rate rien de l'actu ciné pour vous faire partager ses coups de coeur et ses coups de gueule...


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Une Réponse pour "Les amours imaginaires: Interview de Mona Chokri et Niels Schneider"

  1. avatar Youlie dit :

    Merci pour cette interview, ça me donne bien envie d’aller voir le film (alors que, j’avoue je ne l’avais pas mis sur ma liste jusqu’à présent…) !