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Perhaps Love,au cinéma le 22 Novembre 2006
L’Histoire
PĂ©kin, il y a longtemps …
Lin Jian Dong souhaite faire carrière dans le cinĂ©ma quand il tombe amoureux de la jolie Sun Na, danseuse dans un bar. C’est la rencontre de deux coeurs solitaires mais aussi celle de deux ambitions diffĂ©rentes. Peu après, Sun Na, qui a connu la misère et aspire Ă la reconnaissance, au succès et Ă la richesse, abandonne Lin Jian Dong pour un homme susceptible de la rendre cĂ©lèbre.
Dix ans plus tard, devenue une star, elle est la compagne d’un des plus grands cinĂ©astes chinois, Ni Wen, dont on annonce le nouveau film : une histoire d’amour, sur fonds de comĂ©die musicale. Sun Na y jouera le rĂ´le fĂ©minin principal et Ni Wen a dĂ©cidĂ© que la vedette masculine en serait Lin Jian Dong, devenu lui aussi un acteur cĂ©lèbre et populaire.
L’amour peut se rĂ©vĂ©ler parfois un jeu aussi dangereux que compliquĂ©…
En avant la musique !
Producteur très actif depuis de nombreuses annĂ©es, Peter Ho-sun Chan revient Ă la mise en scène avec PERHAPS LOVE en ajoutant Ă ses thèmes de prĂ©dilection (drame et romance) l’aspect musical, jusqu’ici peu prĂ©sent dans son oeuvre. Depuis plusieurs dĂ©cennies, musique et cinĂ©ma ont toujours fait bon mĂ©nage dans le cinĂ©ma de Hong Kong, notamment Ă partir du milieu des annĂ©es 50, Ă©poque oĂą fut importĂ© de Chine le “Huangmei Diao”. Ce genre cinĂ©matographique, connu Ă©galement sous le nom de “Yellow Plum Opera”, mĂŞlait gĂ©nĂ©ralement drame historique et scènes musicales, et fut popularisĂ© par les studios Shaw Brothers Ă travers tout le sud-est asiatique grâce aux films de Li Han-hsiang tels que LA BELLE ET L’EMPEREUR (1959) ou encore THE LOVE ETERNE (1963).
A l’Ă©poque, il existait d’autres types de films musicaux comme le “Shan Ge” (Chansons des Montagnes) dont font partie des films comme THE SHEPHERD GIRL (1964) ou MOONLIGHT SERENADE (1967), et bien sĂ»r les comĂ©dies musicales modernes autant influencĂ©es par Hollywood que le Japon, comme les très colorĂ©s HONG KONG NOCTURNE (1967) et HONG KONG RHAPSODY (1968) de Inoue Umetsugu, dont le style visuel se rapproche de PERHAPS LOVE. La Shaw Brothers n’Ă©tait pas la seule sociĂ©tĂ© de production de Hong Kong Ă exploiter le filon musical, puisque la MP&GI (future Cathay) proposait Ă©galement des films musicaux contemporains comme le joyeux MAMBO GIRL (1957) ou le plus sombre THE WILD, WILD, ROSE (1960), tous deux interprĂ©tĂ©s par Grace Chang.
La particularitĂ© qu’avaient les films musicaux de la Shaw Brothers et la Cathay est qu’ils Ă©taient tournĂ©s en mandarin (langue parlĂ©e par plus de 70 % de la population chinoise, ainsi qu’Ă Taiwan, Ă Singapour, en Malaisie etc…). Parallèlement, l’industrie du cinĂ©ma cantonais donnait Ă©galement lieu Ă une nouvelle vague de films musicaux vers la fin des annĂ©es 60, ou plus exactement de films comportant des scènes musicales, qui pouvaient appartenir Ă des genres variĂ©s : comĂ©dies, drames, romances, voire thrillers et films d’espionnages. La plupart de ces films Ă petits budgets, qui reflĂ©taient le mode de vie de la jeunesse de Hong Kong, Ă©taient interprĂ©tĂ©s par les idoles fĂ©minines de l’Ă©poque comme Josephine Siao, Connie Chan, ou Nancy Sit, ex-enfants stars Ă la fois chanteuses et actrices. Durant les annĂ©es 70, les films musicaux se font plutĂ´t rares sur les Ă©crans de Hong Kong, le public plĂ©biscitant Ă l’Ă©poque surtout le cinĂ©ma d’action ou les comĂ©dies burlesques. On retrouvera quand mĂŞme quelques “Huangmei Diao” Ă la fin des annĂ©es 70 (le remake de DREAM OF THE RED CHAMBER avec les taiwanaises Brigitte Lin et Sylvia Chang) et au dĂ©but des annĂ©es 80 (Ivy Ling Po, reine du “Huangmei Diao” dans les annĂ©es 60 tenta de ressusciter le genre grâce Ă sa sociĂ©tĂ© de production Ă Taiwan). A cette Ă©poque Ă Hong Kong, c’est le cinĂ©ma cantonais qui fait Ă nouveau la loi et domine le marchĂ©. Et c’est Ă Hong Kong qu’un cinĂ©aste un peu fou nommĂ© Tsui Hark, fera le pari insensĂ© de tourner une comĂ©die musicale censĂ©e se dĂ©rouler dans le Shanghai des annĂ©es 40 : SHANGHAI BLUES (Ă©galement avec Sylvia Chang).
Treize ans avant la rĂ©trocession de Hong Kong Ă la Chine, le rĂ©alisateur n’avait pas la possibilitĂ© de tourner son film dans le vĂ©ritable Shanghai et a dĂ» user de toute son ingĂ©niositĂ© pour pallier ce manque. Un peu plus de deux dĂ©cennies plus tard, la situation politique ayant changĂ©, Peter Ho-sun Chan peut faire sur place ce que Tsui Hark n’avait pu faire, et par souci de rĂ©alisme, le film est tournĂ© en mandarin. Il n’est pas non plus Ă©tonnant que l’auteur de l’histoire de PERHAPS LOVE soit Raymond To, un des co-scĂ©naristes de SHANGHAI BLUES. Pour ce projet pan-asiatique unique en son genre, Peter Ho-sun Chan a su s’entourer d’une solide Ă©quipe technique : les chefs opĂ©rateurs Peter Pau (TIGRE ET DRAGON) pour le tournage Ă ShanghaĂŻ et Christopher Doyle (IN THE MOOD FOR LOVE) pour la partie PĂ©kin, le compositeur Peter Kam (primĂ© en 2006 Ă Berlin pour ISABELLA), la chorĂ©graphe Farah Khan (LA FAMILLE INDIENNE) et le coordinateur de cascades Stephen Tung (DOWNTOWN TORPEDOES)…
Entretien avec Peter Ho-sun Chan
Dans quelle catégorie de films se situe PERHAPS LOVE selon vous ?
PERHAPS LOVE est une comĂ©die musicale certes, mais c’est aussi une histoire d’amour, ce qui est plus important Ă mes yeux. Je pourrais dĂ©crire ce film de la sorte : “Histoire d’amour sur fonds de comĂ©die musicale”. PERHAPS LOVE a nĂ©cessitĂ© un budget relativement Ă©levĂ© Ă l’Ă©chelle de Hong Kong, d’environ 10 millions de $ US. Le fait qu’il y ait trois parties distinctes dans le film y est pour quelque chose. La partie musicale, qui est en fait le film dans le film, se dĂ©roule dans la Chine des annĂ©es 40. Les flash-back se dĂ©roulent dans les annĂ©es 90 Ă PĂ©kin, et pour les scènes se dĂ©roulant dans le prĂ©sent, j’ai voulu montrer l’industrie cinĂ©matographique telle qu’elle est de nos jours, en tenant compte des rĂ©formes Ă©conomiques qui ont eu lieu.
Pourquoi avoir choisi la comédie musicale ?
J’avais besoin de trouver une façon diffĂ©rente de m’exprimer. Depuis quinze ans, tous les films que j’ai rĂ©alisĂ©s Ă©taient des drames ou des histoires d’amour. Chacune de mes oeuvres parle de relations humaines parce que je sais que c’est ce que je fais le mieux, et c’est aussi ce que j’aime. Contrairement Ă beaucoup de rĂ©alisateurs et de producteurs de Hong Kong, je n’ai jamais fait de films d’action ou Ă effets spĂ©ciaux. Pour me renouveler dans mon genre de prĂ©dilection, j’ai donc pensĂ© qu’il fallait rajouter un Ă©lĂ©ment supplĂ©mentaire qui me donnerait quelque chose de nouveau Ă explorer. C’est pour cette raison que j’ai dĂ©cidĂ© d’inclure de la musique dans PERHAPS LOVE. En fait, j’avais dĂ©jĂ fait ça auparavant, mais il n’y avait pas de scènes de danse, seulement des chansons.
Les parties dramatiques sont traitées de façons radicalement différentes par rapport aux scènes musicales. Pourquoi ?
Mon premier souci lors de la prĂ©paration de PERHAPS LOVE, Ă©tait de savoir comment incorporer les chansons Ă l’histoire d’amour qui est racontĂ©e. Je pense que la musique Ă©lève l’Ă©motion Ă un niveau insoupçonnĂ©. Et c’est exactement ce dont j’avais besoin. Je pense que la musique agit comme l’alcool, d’une certaine façon. Elle vous rend saoul. Et si cela fonctionnait pour moi, il en serait de mĂŞme pour le public. Concernant les styles respectifs de chaque partie, j’ai tenu Ă ce que les passages dialoguĂ©s soient extrĂŞmement diffĂ©rents de la partie musicale. La partie dramatique est rĂ©aliste et pas l’autre. J’ai trouvĂ© très intĂ©ressant le fait de jouer avec les extrĂŞmes pour ce film. Durant le tournage, la plupart des gens qui voyaient les rushes me demandaient comment il serait possible d’Ă©quilibrer la partie musicale, très cinĂ©matographique, avec la partie dramatique. Et pourtant…
Votre film, vu son ampleur, est clairement destinĂ© Ă s’apprĂ©cier sur grand Ă©cran ?
Je pense que le public de Hong Kong a Ă©tĂ© trop habituĂ©, ces dix dernières annĂ©es, Ă acheter des DVD, rentrer chez eux, et voir les films de cette façon, qu’il s’agisse de versions offi cielles ou pirates. J’ai effectivement fait PERHAPS LOVE pour le grand Ă©cran. Jusqu’Ă prĂ©sent, les gens ne comprennent pas ce point de vue Ă Hong Kong. Ils regardent souvent les films Ă la maison, et maintenant, ils peuvent en visionner sur leur tĂ©lĂ©phone portable, ce qui est assez absurde et triste.
Je suppose que les scènes les plus dures à tourner ont été les scènes musicales ?
Pas tant que ça. Mais c’Ă©tait plutĂ´t l’Ă©quilibre qui Ă©tait diffi cile Ă trouver, durant le montage. Le tournage des scènes musicales Ă©tait plus facile que je ne le pensais. C’Ă©tait un tournage assez souple et très plaisant, et j’avais une très bonne Ă©quipe technique sur laquelle je pouvais compter. J’ai bĂ©nĂ©fi ciĂ© du concours d’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur chorĂ©graphe de danses de films Bollywood, ainsi que Peter Pau, un des meilleurs directeurs de la photographie.
Comment avez-vous choisi le casting de Perhaps Love ?
Takeshi Kaneshiro Ă©tait mon premier choix pour le personnage de Lin Jian-dong. Quand vous voyez le film, vous pouvez immĂ©diatement remarquer qu’il a quelque chose de particulier dans le regard qui donne toute sa dimension au personnage. C’est quelqu’un qui porte un trait, une blessure secrète. En ce qui concerne Zhou Xun, c’est une de mes actrices favorites. Je l’ai adorĂ©e dans SUZHOU RIVER. J’ai tout de suite voulu travailler avec elle après la vision de ce film. Quant Ă Jacky Cheung, il chante et joue comme personne. Pour jouer le rĂ´le du rĂ©alisateur, j’aurais pu trouver quelqu’un qui joue aussi bien que lui, mais qui ne chantait pas aussi bien. A l’inverse, j’aurais pu trouver un aussi bon chanteur que Jacky, mais qui jouerait moins bien la comĂ©die. Le choix de Jacky Cheung me semblait donc parfait pour PERHAPS LOVE. Il devait jouer ce rĂ´le. Pour le personnage angĂ©lique, il fallait possĂ©der une certaine classe, et un charme Ă©vident. Il fallait aussi qu’il soit un peu familier du public chinois, sinon on n’aurait pas pu croire Ă son cotĂ© angĂ©lique. C’est pour cette raison que j’ai fait appel Ă l’acteur corĂ©en Ji Jin Hee.
Jacky Cheung n’Ă©tait pas trop prĂ©sent sur les Ă©crans ces dernières annĂ©es. Savez-vous pourquoi ?
C’Ă©tait un choix très personnel de sa part. Il ne voulait pas voyager, car il avait fait une promesse Ă sa famille, quand il a eu sa première fi lle. LĂ , il vient d’avoir sa seconde, et il a dĂ©cidĂ© de rester avec sa famille autant que possible. De plus, sa profession principale est de chanter. C’est sa première passion. Il sait qu’il ne pourra pas abandonner la chanson. Et comme la plupart des films de Hong Kong sont maintenant tournĂ©s hors de Hong Kong, et qu’il ne voulait pas s’Ă©loigner de son foyer, il a tout simplement rejetĂ© tous les rĂ´les qui lui ont Ă©tĂ© proposĂ©s, Ă quelques exceptions près. Un des derniers rĂ´les qu’il ait fait avant PERHAPS LOVE, Ă©tait GOLDEN CHICKEN, que j’ai produit. Pour ce film, nous avions pris dix jours de son temps Ă Hong Kong et il s’est arrangĂ© pour dĂ®ner et dĂ©jeuner tous les jours chez lui. Pour le tournage de PERHAPS LOVE Ă Shanghai, il ne restait pas plus de deux jours d’affi lĂ©e sur place. Chaque semaine, il revenait pour deux jours de tournage. Ce fut très fatigant pour lui, car Ă Shanghai nous devions travailler de longues heures ; mais cela valait le coup, car personne d’autre n’aurait pu jouer son rĂ´le.
Perhaps Love est le plus gros tournage de votre carrière ?
Oui, car je n’avais jamais utilisĂ© d’effets spĂ©ciaux, de chorĂ©graphe ni tournĂ© de sĂ©quences musicales auparavant. Ce fut une grande première pour moi. J’ai mĂŞme eu un story-board cette fois, car c’est un Ă©lĂ©ment indispensable pour une comĂ©die musicale. Ce n’Ă©tait pas du tout facile Ă faire, mais je suis heureux du rĂ©sultat. Cela doit faire au moins quarante ans qu’il n’y a pas eu de comĂ©die musicale en Chine ou Ă Hong Kong et je ne sais pas si cela se refera après. Propos recueillis par FrĂ©dĂ©ric Ambroisine
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